Transcription of the podcast: Alert and rapid response to nutritional crisis in DRC
Year: 2017
Resource type: Other
Listen to this podcast (en français)
- Ambarka Youssoufane (AY) : Regional Knowledge Managment Specialist, West/Central Africa
- Alain Tchamba (AT) : Coordinator at Cooperazione Internazionale (COOPI) in the Democratic Republic of Congo
AY : Bonjour chers auditeurs, bienvenue dans ce podcast de ENN Field Exchange. Je suis Ambarka Youssoufane, spécialiste régional gestion de connaissance Afrique de l’Ouest et du Centre de ENN. Aujourd’hui je suis avec Alain Georges Tchamba, coordinateur nutrition de l’ONG Coopération internationale, COPI, en RDC (République démocratique du Congo) depuis 2010. Il est responsable de l’élaboration, de la mise en oeuvre, du suivi, de l’évaluation et de la capitalisation des activités de nutrition au sein de l’ONG COPI en RDC. Bonjour M. Tchamba.
AT : Bonjour M. Ambarka.
AY : Merci de répondre à notre invitation. Je vous invite à discuter d’un article que vous avez écrit récemment dans notre revue Field Exchange intitulé “Alerte et réponse rapide aux crises nutritionnelles en RDC”. Pouvez-vous nous en dire, pour commencer, un peu plus sur le travail de l’ONG COPI en RDC ? Expliquez-nous par exemple votre rôle en tant que co-lead du Cluster nutrition RDC. Avez-vous des liens avec le mouvement SUN ou le point focal SUN Gouvernement ? Comment travaillez-vous avec les autres parties du gouvernement, c’est-à-dire le service public ? Ou les agences des Nations Unies par exemple ?
AT : Merci pour la question. Tout d’abord je vais essayer de présenter l’ONG COPI. C’est une organisation humanitaire, non-gouvernementale, italienne, à vocation laïque, apolitique et indépendante. Cette ONG a été créée à Milan le 15 avril 1965 par le père Vicenzo Babiere. COPI intervient dans plusieurs domaines, comme la nutrition, la santé, la sécurité alimentaire, l’eau, l’hygiène, la protection, l’éducation et le plaidoyer. COPI intervient sur plusieurs continents: le continent africain et particulièrement la RDC depuis 1970. Les interventions de COPI sont basées sur l’urgence et le développement, mais aussi la transition inter-urgences et le développement. Pour mettre en place ces différentes activités, COPI s’appuie sur plusieurs bailleurs tels que la Banque mondiale, l’Union européenne, ECHO, DFID, le Fond commun humanitaire et certaines coopérations des ambassades européennes, et aussi les organisations des Nations unies telles que le PAM, la FAO, l’UNICEF, le HCR et le FINAP. COOPI met en place ses projets à travers les différentes provinces de la RDC et COOPI occupe le poste de co-lead du Cluster de nutrition depuis 2013. A ce niveau, COPI intervient dans la planification et la conception du plan d’action humanitaire. Nous intervenons dans le cadre du mouvement SUN. On a des relations pour le moment concernant la prise en charge de la malnutrition. Néanmoins, ce cadre de concertation n’a pas encore assez de liens solides avec le Cluster de nutrition. En dehors du centre, au niveau du gouvernement, nous intervenons activement dans des activités de renforcement des capacités, la supervision, le suivi et la capitalisation des projets.
AY : COPI intervient dans le cadre du développement et de la transition urgence-développement. Comment assurez-vous cette transition étant donné que, comme vous venez de le mentionner, le cadre de concertation du mouvement SUN n’est pas très fonctionnel ?
AT : Le cadre de concertation du mouvement SUN n’est pas encore très fonctionnel. Tous les organes nécessaires sont déjà en place mais à mon avis, on a un retard par rapport au personnel. Cela étant, le Cluster de nutrition a mis en place une stratégie de plaidoyer pour orienter le passage entre la situation de crise nutritionnelle en état d’urgence et le développement. Sur la base de ce plaidoyer, réalisé auprès du fond commun humanitaire, le fond commun humanitaire a adopté une stratégie multisectorielle qui s'inscrit sur le long-terme, sur des projets d’une durée de 24 mois, avec les volets WASH, sécurité alimentaire, santé et autres, bref avec les volets dont les liens sont en relation avec la multi-factorialité des causes de la malnutrition.
AY : Vous avez mentionné dans votre article une diminution spectaculaire de la malnutrition en RDC. Il y a quand même des disparités entre les régions, qu’il faut noter, mais qu’est-ce qui est à l’origine de cette réduction ? On a vu le taux de malnutrition aiguë chuter de 16% en 2001 à 9% en 2014. Selon vous, qu’est-ce-qui explique cette réduction de la malnutrition ?
AT : En 2001, la prévalence de la malnutrition était de 16%. Elle dépassait largement une situation d’urgence. En tenant compte de l’amélioration qu’il y a eu lors de l’enquête EDS en 2013-2014, avec une malnutrition à 8%, on constate qu’il y a une amélioration du statut nutritionnel à l’échelle nationale, malgré des disparités entre les provinces. Cette amélioration est à attribuer en grande partie aux efforts de l’ensemble de la communauté humanitaire, qui investit autant dans le traitement que dans la prévention de la malnutrition avec une approche multisectorielle, sachant que les causes de la malnutrition sont multifactorielles. De façon spécifique, l’engagement du gouvernement, les interventions spécifiques et sensibles à la malnutrition ont agi sur les différents déterminants de la malnutrition avec comme conséquence une amélioration du statut nutritionnel de la population au niveau national. Lorsque je parle des interventions spécifiques à la nutrition, on pourrait parler du soutien à l’allaitement maternel, la promotion de l’alimentation de complément, le traitement de la malnutrition, sans oublier les mesures spécifiques comme l’amélioration de l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement, l’amélioration de la sécurité alimentaire, soins de santé primaires. Ce sont les interventions sensibles et spécifiques à la nutrition qui ont permis une amélioration du statut nutritionnel en agissant sur les déterminants de la malnutrition.
AY: Vous avez noté que vous avez des rapports avec le directeur du PRONANUT, le programme national de nutrition. Est-ce que vous pouvez détailler ces rapports avec le PRONANUT ?
AT : Donc, avec le PRONANUT, premièrement, le rapport débute au niveau de l’identification de la crise nutritionnelle. Il y a un système de surveillance nutritionnelle, sécurité alimentaire et alerte précoce dans le cycle SNSAP qui est géré par le PRONANUT. C’est cet organe, le PRONANUT, à la base de ce système, qui identifie les différentes zones en alerte. Donc, le système d’information ici est basé sur les sites sentinelles. Tous les 2 ou 3 mois un bulletin sort avec l’ensemble des zones en alerte. Lorsque ces zones sont identifiées, en fonction de la disponibilité financière le PRONANUT réalise des enquêtes afin de confiner, si l’alerte est vérifiée ou pas, et dès que l’alerte est vérifiée le PRONANUT organise une réunion en invitant les partenaires qui ont des capacités, ou bien qui ont déjà le financement par rapport aux interventions d’urgence, et les zones dont l’alerte a été confinée verront des interventions mises en place par ces partenaires. Les partenaires doivent concevoir les thèmes des différentes interventions validées conjointement avec le PRONANUT. Par la suite, le PRONANUT va intervenir sur les affaires opérationnelles par rapport au renforcement des capacités du personnel sanitaire dans la Zone de santé. Le PRONANUT fera des supervisions permanentes afin de voir comment évolue la prise en charge de la malnutrition, et enfin le PRONANUT fera une évaluation à la fin. Donc, le PRONANUT est impliqué dans l’identification de l’alerte, dans la planification de l’intervention, dans la mise en place de l’intervention à travers le renforcement des capacités, le suivi et l’évaluation.
AY : Merci bien Monsieur Tchamba. Entre autre, vous avez développé plusieurs types d’approches, quatre types d’approches, notamment la surveillance, le PUNC, le OMNITRITION que vous venez de citer, le projet alerte et réponse rapide. Parmi toutes ces approches, quelle est l’institution qui a eu le plus d’influence dans la conception des programmes ? Est-ce que ce sont les bailleurs de fonds qui déterminaient l’approche, ou vous, en tant qu’ONG ou le gouvernement, qui avez le monopole de la conception de la stratégie en elle-même ?
AT : Au niveau de la surveillance nutritionnelle c’est l’UNICEF le bailleur de fonds pour les urgences qui a influencé la mise en place de ce système. Et pour mieux tester les différentes approches, que ce soit le PUNC, le scaling up nutrition, c’est toujours l’UNICEF qui a influencé la mise en place de toute cette stratégie en identifiant les limites d’une stratégie à l’autre. Si on prend par exemple le système d’alerte qui étaient des alertes scientifiquement non prouvées qui devient structuré, par la suite dans l’approche PUNC, l’approche PUNC consistait à intervenir pour une durée de 3 mois. Or, pour une durée de 3 mois on ne peut pas prendre suffisamment les enfants, on ne peut pas construire une bonne stratégie de sortie, on ne peut pas mettre en place une approche multisectorielle. Donc, quand l’UNICEF a vu ces différentes limites, l’UNICEF a dit, étant donné…
AY : Juste pour revenir sur l’approche PUNC, qu’est-ce qu’on entend par PUNC, P-U- N-C ?
AT : Pool d’Urgences Nutritionnelles au Congo.
AY : Oui, continuez, vous disiez que l’UNICEF a remarqué que les trois mois étaient assez courts…
AT : Oui, que trois mois étaient assez courts pour l’approche PUNC et que la couverture administrative était très faible parce qu’en moyenne vous avez 15 à 20 aires de santé par Zone de santé, donc avec l’approche PUNC on couvre 25 aires de santé. Donc, si vous arrivez dans une Zone de santé qui a 25 aires de santé, c’est normal qu’on ne puisse pas résoudre le problème, on va sauver des vies mais on ne va pas résoudre le problème en trois mois avec une seule couverture administrative, même si pour compenser un peu cette couverture en mettant en place des postes avancés et des postes mobiles, malgré cela ça ne résolvait pas le problème. Donc, en tenant compte des limites du plan, l’UNICEF a mis en place la stratégie scaling up nutrition. Ils se sont dit : est-ce qu’en intervenant sur une longue durée, on peut réduire de façon significative la prévalence de la malnutrition ? Et l’avantage de cette approche était que le projet durait environ 18 à 24 mois, donc maximum 2 ans, et le projet était mis en place à partir d’un système de surveillance approprié et vérifié scientifiquement. L’approche permettait une couverture administrative de 100% de la Zone de santé et cette approche permettait aussi de prendre non seulement les membres mais aussi les membres en fonction de la stratégie géographique du PAM. Mais le désavantage qu’on a trouvé dans ce système, vu l’étendue du territoire congolais, c’est qu’il devenait difficile d’intervenir dans d’autres zones d’alerte. Toujours d’après des analyses, des évaluations réalisées par l’UNICEF, qui a mis en place l’approche de réponse rapide aux crises nutritionnelles, financée par des fonds ECHO à travers l’UNICEF, puis on est revenu à une durée de 6 mois qui est une durée acceptable en situations d’urgence. L’approche a été mise en place à partir du système de surveillance basée sur l’SINSAP dans les alertes où les crises nutritionnelles identifiées étaient des crises nutritionnelles réelles. Au niveau de la couverture on demandait de couvrir au moins 80% de la Zone de santé sur la couverture administrative, et à partir de là on pouvait mieux mettre aussi en place une approche Multisectorielle, on a directement basé cette approche sur le WASH en mettant en place la stratégie WASH in Nutrition des Zones de santé.
Donc, voilà, un peu bref le passage d’une approche à l’autre était réalisée après des évaluations de l’UNICEF et de ses bailleurs de fonds. Donc, la stratégie était plus influencée par l’UNICEF.
AY : Donc, l’UNICEF est le principal bailleur de ces approches ?
AT : Oui, l’UNICEF est le principal bailleur de ces approches et recevait des fonds d’ECHO.
AY : Est-ce que, justement, dans l’élaboration de ces approches-là vous avez eu à vous inspirer d’exemples d’autres pays ou bien vous avez construit sur votre propre expérience de la RDC ?
AT : Bon, la mise en place d’une approche à l’autre s’est inspirée de ce qui se fait ailleurs, par exemple ce qu’il se passe dans les pays tels que le Mali ou bien le système d’alerte qui a été aussi mis en place au Burundi. Par exemple au Niger le système est basé sur la réalisation des enquêtes. Donc, à un moment précis, surtout pendant la période du mois de juin au Niger, on réalisait les enquêtes. Puis, après ces enquêtes on voit comment nous pouvons intervenir dans les zones à haut risque nutritionnel, donc où il y a une urgence, des soins d’urgence.
Donc, c’est sur la base de cette approche réalisée ailleurs par UNICEF qu’on a pu l’adapter en RDC en tenant compte aussi des particularités de la RDC.
AY : Vous avez, vous dites tout à l’heure que, il y avait une prise en charge de la malnutrition aigüe sévère, mais aussi une prise en charge de la malnutrition aigüe modérée en fonction de la couverture du PAM, le Programme Alimentaire Mondial. Dans quelle mesure est-ce que ces différents programmes se sont entrecoupés ? Est-ce qu’il y avait une, on va dire, une coïncidence parfaite, ou bien y avait-il souvent des gaps de prise en charge de la malnutrition aigüe modérée étant donné que l’approche RSCN était beaucoup plus basée sur la malnutrition aigüe sévère ?
AT : Oui, effectivement l’approche RSCN est basée sur la malnutrition aigüe et sévère. C’est vrai que les critères pour pouvoir déclencher les interventions sont basées soient sur la masse supérieure ou égale à 15%, donc ce qui tient aussi compte d’un manque, soit la masse supérieure ou égale à 20%. Donc la priorité est donnée à la masse. Donc lorsqu’on vient, on intervient dans la zone, parce que pour la masse, ce sont des enfants à haut risque de décès. Mais ce qu’on a constaté à moyen dans le projet, il y a eu 19,5 pour cent des unités nutritionnelles ambulatoires dans où on traitait les enfants sévèrement malnutris sans complication qui était liée, donc qui était couplée aux différentes unités nutritionnelles supplémentaires, donc aux unités traitant les enfants modérément malnutris. Mais néanmoins l’absence des UNS dans certaines interventions prolongeait la durée de séjour des enfants à l’UNTA (Unité Nutritionnelle Thérapeutique Ambulatoire). Or le protocole préconise que, en l’absence d’UNTA, l’enfant reste dans le programme et sort avec les critères de guérison totale, c’est-à- dire, avec, si je prends l’indicateur poids/taille supérieur ou égal à moins 1,5 écart-type, ça veut dire que tous les enfants qui étaient même dans les aides de santé, ou des zones de santé où il n’y avait pas d’intervention de PAM sortaient complètement guéris.
AY : Je voudrais revenir sur l’implication des autres ministères dans une approche multisectorielle au cours d’un projet RSCN, puisque vous l’avez quand même noté que vous êtes en parfaite collaboration avec le PRONANUT qui participe à l’identification de la lèpre, à la conception de l’approche, à la mise en œuvre et au suivi, alors dans quelle mesure est-ce que les autres ministères en lien avec la nutrition sont impliqués ? Je veux dire par exemple, le ministère de l’agriculture, celui de la protection sociale, ou, enfin bref tous les autres ministères impliqués.
AT : Dans l’approche RSCN, il n’y a qu’un seul ministère qui est impliqué à l’heure actuelle, c’es le ministère de la santé publique. Or ce ministère a plusieurs divisions, on a la division de nutrition et la division d’eau, hygiène, assainissement. Donc ces deux divisions sont totalement impliquées dans le, l’approche RSCN.
AY : Mais vous avez également des activités du WASH, est-ce qu’il y avait des implications du ministère en charge du WASH ?
AT : Le ministère en charge du WASH, ici en RDC sous la tutelle du ministère de la santé. C’est de là que je vous parlais de la division de la nutrition avec comme organe le PRONANUT et puis la division du WASH qu’on appelle ici « B5 ou B9 », selon les réformes, donc il y’a le bureau neuf (9) et le bureau cinq (5) qui sont responsables du WASH. Donc en fait, le WASH est coordonné par le ministre de la santé, er, publique. Donc déjà nous, on travaille avec ces deux divisions qui se trouvent donc, c’est-à- dire nutrition et le WASH. Par contre, si on avait un volet de sécurité alimentaire, en ce moment on pouvait associer le ministère en charge de ce volet.
AY : Vous estimez en fait, dans l’article qui vient de paraitre dans Field Exchange, à environ 15 à 20% de la population a de la prise en charge des cas de malnutrition aigüe et seulement 3 à 4 centres de santé offrent des services de prise en charge dans chaque zone qui compte environ 20 centres de santé. Alors, est-ce qu’il y a eu une évaluation de la couverture de la prise en charge, sinon est-ce que cela a été envisagé une fois ?
AT: Bon, il n’y a pas eu d’évaluation scientifique de la couverture à travers une enquête. C’est vrai qu’il y a d’autres partenaires qui le font. Mais dans le cadre de RSCN. Nous n’avons pas réalisé cette enquête. Néanmoins, il s’agit ici quand on parle de 15 à 20% de couverture, il s’agit d’une couverture administrative. Comme je le disais, si vous avez 20 aides de santé dans la zone de santé, vous pouvez 20 aides de santé, ça fait 5 sur 20 aires, vous avez de pourcentage de couverture, donc c’est pas un couverture scientifique en terme du nombre d’enfants malnutris qu’on devait identifier, qu’on n’a pas pu identifier. C’est pas dans ce sens, mais néanmoins cette faible couverture administrative est utilisée dans la première approche. C’est-à- dire l’approche PUNK, où on couvert au minima vingt aides de santé, mais on mettait aussi en place, c’est pour avancer et une forme juridique tantôt. Et de deux, lorsqu’on a vu cette limite en termes de couverture administrative pour les approches qui suivaient, c’est-à- dire, on est passé à 100% de couverture administrative et pour réponse rapide, on est passé à au moins 80% de couverture administrative. Donc en résumé, l’approche de couverture scientifique est pas une enquête qui n’a pas été réalisée et il y a eu une amélioration significative de la couverture administrative.
AY: Donc en fait la couverture administrative, ici, vous entendez par là, la couverture des centres de santé offrant des services de prise en charge nutritionnelle ?
AT: Effectivement, quand vous avez un centre de santé qui offre le suivi de prise en charge nutritionnelle, autour de ce centre de santé, vous avez peut-être huit ou dix villages. Donc, c’est ça qu’on appelle une aide de santé.
AY : Et la continuité de la fourniture des ATPE, des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi, aux services de santé, au-delà de six mois que dure l’intervention rapide semble être l’un des plus grands défis à la pérennisation de la prise en charge de la malnutrition aigüe sévère. Souvent les familles sont obligées de payer des frais de consultation pour faire face aux coûts de ces emplois–là. Avez-vous déjà essayé une action particulière pour solutionner ce problème nutritionnel ?
AT : Donc la continuité des interventions par la fourniture de façon permanente des ATPE est un grand défi en RDC. Dans la mesure, comme vous le savez que les ATPE ne sont pas fabriqués sur place. On n’a pas tout d’abord d’usine délocalisée. Il y en avait, après cette usine s’était fermée. Néanmoins le gouvernement en RDC a inscrit les ATP dans la liste des médicaments essentielles. Et le gouvernement est en train de mettre en place plusieurs centrales d’achats qui pourront facilement ravitailler les zones de santé.
AT : Par ailleurs donc, dans le cadre de l’accord, donc du partenariat entre le gouvernement congolais et l’UNICEF, UNICEF met à la disposition du gouvernement, à travers le PRONANUT, les entrants pour les zones de santé en crise nutritionnelle. Mais, au niveau local, plusieurs approches ont été initiées, répétitives, et, on a aussi renforcé vraiment la stratégie multisectorielle orientée vers la prévention. Et spécialement les interventions sensibles à la nutrition. Dans le temps vous avez publié plusieurs expériences dans la RDC par rapport à ça, donc cette stratégie permet de limiter aussi le nombre de malnutris. Donc en résumé, je dirais que le ravitaillement à disponibilité de l’ATPE en RDC est un défi. Donc le gouvernement, dans un premier pas, à inscrit les ATPE dans la liste des médicaments essentiels et c’est déjà pour mettre en place le dépôt dans les centrales d’achat et, la grande partie de ces entrants sont mis à disponibilité par UNICEF. Et vu un peu l’étendue du territoire, on a privilégié des zones à malnutrition récurrente et des nouvelles crises. Donc c’est un peu, c’est …
AY : Le gouvernement a inscrit les ATPE sur la liste des médicaments essentiels, en quelle année cette inscription a eu lieu ? Et, est-ce que ça a permis d’améliorer un tant soit peu la fourniture des ATPE au niveau des centres de santé ?
AT : Oui, le gouvernement a inscrit les ATPE je pense c’était en 2012, si j’ai bonne mémoire. Ca c’est déjà un pas pour qu’on sache déjà que, parce que les ATPE on pense souvent que c’est pas un médicament, c’est un médicament, donc c’était déjà un grand pas. Bon avec cela, ça a permis à l’UNICEF maintenant de ravitailler les centres de santé. Donc, par la suite, les entrants disponibilisés par UNICEF passent par le PRONANUT et qui s’inscrit, donc qui est remis aux zones de santé comme un médicament pour la prise en charge. Donc il y a une amélioration dans le sens que les responsables sanitaires ont compris que les ATPE étaient un médicament et non, une pâte d’arachide pour pouvoir consommer d’une manière ou d’une autre.
AY : Donc, l’inscription des ATPE sur la liste des médicaments essentiels a permis une meilleure acceptation, une meilleure compréhension de leur utilité je vais dire.
AT : Oui, oui, effectivement.
AY : Alors, c’est toujours l’UNICEF qui met en place des ATPE. Mais, est-ce que le gouvernement a fait un pas, par exemple, en inscrivant une ligne budgétaire ou en apportant un appui pour l’achat des ATPE ?
AT : Oui, oui. Actuellement, dans le cadre du mouvement SCALING UP NUTRITION il y a une ligne budgétaire pour cette activité qui tient aussi compte du traitement de la malnutrition et par conséquence des ATPE.
AY : Justement, vous avez eu des difficultés à mobiliser des financements pour certaines zones qui ont pourtant des taux de malnutrition supérieurs à 15%. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le projet SCALING UP NUTRITION était-il plus rigide par exemple que le PUNC ? Et, est-ce que vous avez essayé de vous inspirer de votre expérience du PUNC pour un peu rendre le projet, pour rendre le projet SCALING UP NUTRITION plus flexible ?
AT : Ben le projet SCALING UP NUTRITION comme je l’ai dit intervenait dans les zones avec marques supérieures à 15% ou marques supérieures ou égales à 5%. Donc pour une longue durée de 18 mois. Donc, ce projet permettait d’avoir des interventions à long terme. Toutefois, la flexibilité du PUNC, pendant ce stade, quand on avait, dans le cadre de l’approche SCALING UP NUTRITION on ne pouvait plus aller dans un autre centre de santé. Donc parce que la zone de santé était déjà, le nombre était déjà fixé d’avance. Donc ce qui rendait, nous on arrivait pas à intervenir pour les nouvelles crises nutritionnelles qui apparaissaient.
AY : Mais ce n’était pas dû à un problème de disponibilité des ressources mais beaucoup plus un problème de programmation ?
AT : Oui, je vais arriver. Donc quand je parlais de la flexibilité, ceci était dû effectivement au fait que les ressources ne permettaient pas d’avoir une enveloppe flexible pour répondre aux nouvelles crises. Parce exemple on vous dit, pour le SCALING UP NUTRITION, vous avez déjà deux millions et quand on a mis deux millions, ben il y avait un problème de programmation et un problème de ressources par rapport à la durée du projet.
AY : D’accord. Alors, la mise en œuvre d’une réponse rapide est généralement de courte durée, vous parliez tantôt de six mois, après laquelle COOPI devait transférer la gestion à une autre institution, notamment le gouvernement. Cependant, cela ne s’est pas passé comme prévu, uniquement environ quatre zones de santé sur 20, ont pu continuer, sur 21 zones de santé, ont pu continuer la prise en charge au-delà de l’intervention de COOPI. Quels étaient les principaux défis pour ce transfert ? Dans les zones où le projet a pu continuer, qu’est qui a, qui avait pris, par exemple, le financement ? La relève du financement quand COOPI s’est retiré ?
AT : On essaie d’attirer l’attention des différents instituts de financement par rapport au fait que les zones de santé, malgré qu’on ait pu, qu’on ait pris en charge plusieurs enfants malnutris, ces zones de santé ont toujours des admissions élevées. Ce qui ressortait de cette observation, c’est que on avait d’autres zones qui avaient des admissions très très élevées. Et donc c’était la troisième ou la quatrième fois qu’on avait des interventions. Et, vu que les fonds d’urgence ont diminué significativement, il fallait maintenant privilégier certaines zones. C’est ainsi qu’on s’est basés sur les critères de zones de santé à malnutrition récurrente. Alors on s’est dit si on intervenait dans ces zones pendant 24 mois, quelle pourrait être la situation nutritionnelle ? C’est ainsi que le cluster de nutrition a pu faire le plaidoyer auprès d’ECHO et, à travers le Fond Commun Humanitaire, afin d’avoir les financements pour ces zones à malnutrition récurrente.
AY : Justement, vous avez parlé d’activités de plaidoyer que vous avez menées de concert avec le cluster nutrition, est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus sur ces activités de plaidoyer-là que vous avez menées ?
AT : Ben pour les activités de plaidoyer réalisées avec le cluster nutrition, le cluster nutrition identifie les différents gaps à travers le pays. On a des outils pour cela et aussi à travers le SNSAP, le système de surveillance d’alerte précoce et, par ce système, le cluster nutritionnel, le cluster de nutrition fait des synthèses qui sont présentées auprès de l’inter-cluster national. Au cours de l’inter-cluster national, on essaie de démontrer qu’il y a un problème. Et que les problèmes sont récurrents, donc il faut attirer l’attention. Et puis au niveau du système de coordination stratégique aussi, on fait des interventions, des présentations afin d’attirer l’attention des différents bailleurs. Et c’est à base de cette stratégie de plaidoyer orientée vers la diffusion de l’information montrant la criticité du problème de la malnutrition, et vers le fait que les interventions doivent être multisectorielles qu’on a pu avoir quelques fonds pour pouvoir intervenir dans les zones à malnutrition récurrente.
AY : Donc, vous avez beaucoup plus utilisé les données de prévalence et des admissions au niveau des centres de prise en charge pour mener ce plaidoyer… Oui. On a utilisé : 1) identifier d’abord les zones de santé à malnutrition récurrente, 2) voir quelles sont les zones de santé où le taux d’admission était très élevé à la fin de l’intervention du RRCN…À la fin des six mois…
AT : Oui, du RRCN. Et aussi, on a tenu aussi compte des nouvelles alertes, et c’est là où il fallait faire la part des choses. Alors, quel succès avez-vous eu, par exemple, dans le cas de ce plaidoyer ? ou quels défis avez-vous rencontrés ? Les défis, dans le cas de ce plaidoyer, étaient de convaincre 1) les bailleurs de fonds de financer les zones de santé à cause structurelle de la malnutrition. Ça, c’était le premier défi. On a réussi à le faire parce que aujourd’hui, vous avez un an d’interventions élevées et financées par le Fonds Commun Humanité qui se trouvent dans la partie Ouest, où les causes de la malnutrition sont plus structurelles que conjoncturelles. 2) Il fallait convaincre le bailleur de fonds que le projet devait avoir une durée au moins de… au plus de 24 mois, donc entre 15 et 24 mois, afin d’avoir un impact, mais aussi avec une stratégie multisectorielle. On s’inscrit un peu dans le cadre du mouvement SUN. Au vu des preuves scientifiques et tout, les bailleurs de fonds l’ont accepté. Donc, il s’agissait ici, d’abord, de convaincre les bailleurs de fonds d’intervenir à l’Ouest, et de deux, d’intervenir dans les zones de santé à malnutrition récurrente, trois, de mettre l’approche multisectorielle en place, et de quatre, d’avoir des interventions de longue durée.
AY : Justement, quel apport les acteurs du mouvement SUN ont eu dans ce plaidoyer ? S’ils n’ont pas participé aussi, est-ce que vous pensez que les acteurs SUN auraient pu y participer d’une certaine façon ?
AT : Jusqu’à aujourd’hui, c’est le Cluster Nutrition qui fait ce type de plaidoyer auprès des bailleurs de fonds, mais au moins, vu qu’on est encore à un stade un peu hybride et que le mouvement SUN est en train d’être mis en place petit à petit, je pense qu’il faudrait que les responsables du mouvement SUN s’inscrivent dans cette approche. Et de plus, quand on voit… les membres du Cluster Nutrition font partie du mouvement SUN. Donc faire un plaidoyer à partir du Cluster Nutrition auprès des bailleurs de fonds, c’est déjà un peu un plaidoyer pour le mouvement SUN. Donc, on devrait plus formaliser cela dans l’avenir.
AY : OK. Donc, en fait, les acteurs du mouvement SUN sont quasi identiques à ceux du Cluster Nutrition…
AT : Oui, à presque 80 %.
AY : D’accord. Alors, je voudrais revenir un peu sur les stratégies globales de nutrition au niveau du pays, notamment le plan d’action de la nutrition au niveau de la RDC. Est-ce qu’il y a déjà un cadre commun de résultats, comme suggéré par le mouvement SUN ?
AT : Oui… On a élaboré un plan stratégique national multisectoriel de 2015 à 2020, qui est une réponse au besoin d’une approche multisectorielle de la lutte contre la malnutrition en RDC, et qui s’inscrit dans la vision de la RDC pays émergent à l’horizon 2030. Ce plan stratégique est piloté par la Primature et je pense, vous le savez bien, certaines fois, qu’elle réussit ses approches multisectorielles initiant des interventions relevant des différents secteurs et l’orientation des actions qui portent aux résultats. Aujourd’hui, pour ce qui concerne le cadre commun de résultats, je pense qu’il y a eu un cadre commun de résultats qui a été réalisé, je pense, en 2015 ou 2016, qui nous a permis de voir à quel niveau se trouve la mise en place du mouvement SUN.
AY : Est-ce que ce plan d’action prend en compte la continuation de la prise en charge de la malnutrition aiguë au-delà des interventions humanitaires ?
AT : Effectivement, la prise en charge de la malnutrition aiguë au-delà des interventions humanitaires fait partie intégrante du plan d’action national multisectoriel de nutrition. Il s’agit ici de trouver les différents moyens de financement pour pouvoir continuer la prise en charge de la malnutrition à travers le territoire. Par exemple, il y a des initiatives, je pense, qui sont en train d’être prises, comme amener les entreprises privées ou les politiciens à inscrire, par exemple, la lutte contre la malnutrition aiguë dans leurs microprojets qu’ils ont au niveau du Parlement ou bien au niveau de chaque entreprise.
AY: Monsieur Alain Tchamba, merci encore une fois encore de partager avec nous votre expérience sur l’alerte et réponse rapide aux crises nutritionnelles en RDC. Je vous souhaite très bon courage pour la suite de vos travaux et espère une autre opportunité de pouvoir discuter avec vous. Je voudrais également remercier nos auditeurs pour avoir écouté ce podcast, qui fait partie d’une série de podcasts initiés par l’ENN pour alimenter notre site multimédia de gestion de connaissances. Comme toujours, nous nous réjouissons de recevoir vos contributions et expériences de mise en œuvre d’actions de nutrition. Si vous avez des questions supplémentaires, n’hésitez pas à nous envoyer un courriel à nutritionexchange@ennonline.net ou consultez notre site web: www.ennonline.net.
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Transcription of the podcast: Alert and rapid response to nutritional crisis in DRC. www.ennonline.net/transcriptionalertandrapidresponsedrc
(ENN_5578)