FEX 58 Banner

Surveillance décentralisée et participative visant à améliorer la qualité des services de la GCMA au Soudan

Published: 

Par Mueni Mutunga, Rashid Abdulai, et Mohammed Ali Elamin

Read an English version of this article here

Mueni Mutunga est un spécialiste de la nutrition régional de l'UNICEF pour la région du Pacifique et de l'Asie du sud-est, responsable de l'intégration d'une prise en charge de la malnutrition aiguë sévère dans les systèmes de santé (SAM) et de nutrition en cas d'urgence, de résilience et de changement climatique, ainsi que dans les programmes sanitaires, de santé et d'assainissement de l'eau. Mueni a auparavant occupé le poste de chef de la nutrition pour l'UNICEF au Soudan.

Rashid Abdulai travaille avec l'UNICEF depuis 11 ans. Il est actuellement spécialiste de la nutrition et de la santé pour l'UNICEF Soudan, responsable du soutien sur le terrain pour le renforcement des systèmes de santé, le traitement de la SAM (malnutrition aiguë sévère), de l'alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), de la nutrition dans les cas d'urgences, et de la construction de systèmes de contrôle.

Mohammed Ali Elamin travaille avec l'UNICEF depuis 7 ans. Il est actuellement spécialiste en nutrition et basé dans la partie occidentale du Soudan, responsable de la gestion, de la mise en oeuvre et du contrôle des programmes de gestion communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA), et de l'ANJE.

Les auteurs souhaitent remercier l’équipe Nutrition de l'UNICEF ainsi que le Ministère fédéral de la santé (FMoH) au Soudan pour leur contribution à la préparation de cet article, ainsi que pour le travail qui y est présenté.

Les constats, interprétations et conclusions de cet article n'engagent que leurs auteurs. Ils ne reflètent pas forcément les opinions de l'UNICEF, de ses responsables ou des pays qu'ils représentent et ne doivent pas leur être attribués.

Lieu : Soudan

Ce que nous savons : la mise en oeuvre d'une prise en charge de la gestion communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA) nécessite un contrôle permanent, des retours et la mise en place de mesures afin d’améliorer la qualité.

Qu’apporte cet article : Au Soudan l'UNICEF ainsi que le Ministère de la santé (MoH) assurent un contrôle décentralisé, participatif et national afin de suivre les progrès du programme thérapeutique ambulatoire (PTA) et afin d'améliorer sa qualité et sa couverture. Cela implique cinq étapes : définir des objectifs d'État trimestriels et annuels, vérifier les données de manière systématique et identifier les états peu performants, impliquer des partenaires de mise en application qui identifieront les sites GCMA peu performants ainsi que les goulets, développer des plans d'action conjoints, et faire un point mensuel des progrès. Une étude de cas de l’État de la mer Rouge est présentée, qui montre les progrès lents dans l'atteinte des objectifs de 2017 (en juillet 2017, seuls 6 837 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ont été admis, soit 39 % de l'objectif annuel de l’État). Les PTA furent classés selon des critères approuvés (" haut " : de 8 à 12 enfants par mois, " moyen " : de 4 à 8 enfants par mois, " bas " : moins de 4 enfants par mois), conduisant à l'identification de 27 sites peu performants. Les goulets identifiés sont notamment : du personnel inadéquat, pas de mesures d'incitation pour le personnel, bas niveau d'éducation ou de compréhension du protocole de soins, pas de cas identifiés, faible acceptation de la communauté, et population éparse. Le plan d'action qui en a résulté impliquait : le contrôle et la formation par le MoH ou l'UNICEF de ces 27 sites sur une base trimestrielle, la mise en place de réunions locales et mensuelles de contrôle, le dépistage des enfants MAS par des mères et des groupes de soutien des mères et enfin la mobilisation de la communauté avec l'aide des dirigeants communautaires. À la fin décembre 2017, 14 280 enfants en MAS furent admis dans l’État de la mer Rouge, démontrant une forte amélioration.

Contexte

Des taux de malnutrition critiques ont été signalés dans l'étude S3M (pour simple spatial surveying method, méthodologie d'étude spatiale simple) de 2013. Cela a démontré le besoin d'intensification du programme de la gestion communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA), guidé par un plan à l’échelle nationale (2015-2017) (Tewoldeberhan et al, 2017). Il y a actuellement 1 110 programmes thérapeutiques ambulatoires (PTA), et 125 centres de stabilisation (CS) au Soudan, qui ont permis de traiter près de 200 000 enfants par an depuis 2016.

La conception et la mise en oeuvre d'interventions au Soudan nécessitent de prendre en compte de multiples contextes, variés et parfois complexes, et notamment : des zones de conflit avec un accès limité, le déplacement de population, les vagues de réfugiés (principalement venues du sud Soudan), l’établissement de campements et le modèle de la communauté d'accueil, les populations de retour, les campements éparses, les campements nomades, les établissements en zones péri-urbaines, et les populations indigènes des zones montagneuses. Des contextes aussi difficiles et variés sont de véritables défis pour la mise en place de GCMA, puisqu'ils affectent l’accès, la couverture ainsi que la qualité de ce programme. Il y a donc un besoin de contrôle à niveaux multiples afin de suivre les progrès des programmes GCMA, d'identifier les goulets et de prendre les mesures nécessaires en temps opportun.

Méthode de surveillance décentralisée et participative

L'UNICEF collabore avec le Ministère de la santé (MoH) et des organisations non gouvernementales (ONG) au niveau fédéral et étatique afin de conduire une surveillance décentralisée, et suivre les progrès du programme GCMA afin d'en améliorer la qualité et la couverture. C'est une approche ascendante et inclusive, avec une forte participation de la part du ministère de la santé ainsi que de tous les partenaires travaillant au sein de l’état, qu'ils soient partenaires du programme de l'UNICEF ou non. S'appuyant sur l'analyse des données de routine, les meilleures pratiques des établissements les plus performants sont notées, et les goulets sont identifiés dans les établissements les moins performants. Des plans d'action sont ainsi développés avec des activités concrètes à mettre en place immédiatement pour une amélioration rapide. L'approche se concentre sur les victoires faciles afin d'inclure plus d'enfants dans le programme, tout en instaurant systématiquement des mesures visant à réduire au mieux les goulets exigeants en ressources.

Cette approche a donné de bons résultats ces deux dernières années, augmentant rapidement les admissions sur les sites GCMA auparavant peu performants, et positionnant plus avantageusement les états dans l'atteinte des objectifs d'admission nationaux. L'approche est utilisée dans sept états : Darfour-est, Darfour-centre, Darfour-sud, la mer Rouge, Kordofan sud, Kordofan ouest et Kordofan nord. Ils avaient tous été identifié comme peu performants et très éloignés de leurs objectifs annuels. Après la mise en place de cette approche, un rattrapage rapide a été enregistré.

Le contrôle décentralisé et participatif se compose de cinq étapes clés : définir des objectifs trimestriels et annuels pour chaque état, vérifier les données de manière systématique et identifier les états peu performants afin de mesurer les progrès, impliquer des partenaires de mise en application qui identifieront les sites GCMA peu performants ainsi que les goulets, développer des plans d'action conjoints visant les goulets, et faire un point mensuel des progrès après la mise en place des mesures (schéma 1). Trouvez ci-dessous la description de chacune de ces étapes :

Figure 1 : les cinq étapes de la surveillance décentralisée et participative de la GCMA

en traduction - Version française bientôt disponible

Étape 1 : établissement d’un objectif étatique annuel

Depuis 2016, l'UNICEF s'est engagé à traiter 250 000 enfants souffrant de MAS au Soudan par an, ce qui représente la moitié du nombre total de cas. Chaque état s'est vu assigner un objectif contribuant à atteindre l'objectif national, basé sur la prévalence de la malnutrition dans chaque état. Les objectifs étatiques annuels sont divisés en quatre trimestres, basés sur les tendances saisonnières des admissions des trois dernières années. Certains états ont subdivisé leurs objectifs trimestriels en objectifs mensuels d'admission. De tels objectifs annuels et trimestriels permettent de suivre les résultats et facilitent la planification, notamment l'allocation des ressources financières et des fournitures.

Étape 2 : mesurer les progrès et identifier les états peu performants

Tous les mois, chaque état collecte et soumet les données des performances et des admissions au Ministère féderal de la santé (FMoH), qui délivre ensuite un résumé des données par état à l'UNICEF. Tous les trimestres, l'UNICEF et le ministère conduisent une vérification conjointe et classent les états en " sans risque ", " faible risque ", et " risque élevé ", s'appuyant sur l'atteinte ou non des objectifs trimestriels d'admission ainsi que sur les indicateurs de qualité des performances. Le ministère de la santé soumet par ailleurs une liste des localités peu performantes à l'UNICEF. Les états jugés comme étant à haut risque sont prioritaires pour le contrôle décentralisé et participatif. Les retours sont partagés avec tous les états et les partenaires chargés de la mise en oeuvre par l'intermédiaire des bureaux extérieurs de l'UNICEF.

Étape 3 : analyse participative des performances par centre, et identification des goulets

Les états à haut risque subissent en premier lieu une analyse approfondie des performances et des goulets. L'UNICEF prend contact avec le ministère de la santé de chaque état afin de planifier l'analyse participative, notamment l'accord quant à la durée et la mobilisation des participants, incluant souvent des nutritionnistes locaux issus des ONG et du ministère de la santé, ainsi que des gestionaires et coordonnateurs de l’état. C'est un exercice rapide qui ne dure pas plus d'une journée et demi.

Une analyse décentralisée est effectuée en collaboration avec le Ministère fédéral de la santé (qui maintient la base de données GCMA à jour) concernant les tendances pour les taux d'admission, de guérison, de défaillance, de décès et de non-répondants. Cette analyse initiale montre les différentes composantes à l’échelle étatique des performances du programme, indiquant quelles localités affichent les admissions les plus élevées ou les plus basses, quels partenaires sont plus performants et quels sont les mois avec le moins d'admissions. Les indicateurs standards dans ce domaine sont également vérifiés afin de remettre l'analyse en contexte.

Par la suite, un certain nombre de partenaires sont sollicités afin de développer des repères en fonction du contexte, d'où les PTA peuvent être classés en fonction d'un taux d'admission élevé ou très élevé, moyen, ou bas ou très bas. Ce classement est lié directement aux objectifs étatiques annuels. Ceci est une variante de l'approche simple précédente qui divisait l'objectif annuel total par le nombre d'établissements, pour lesquels la grande majorité des PTA associés sont vraisemblablement classés comme peu performants. La prise de contact avec les partenaires est une étape clé de ce processus. Les partenaires ne souhaitent pas voir leurs projets classés comme peu ou moyennement performants, les discussions sont par conséquent souvent prolongées jusqu’à ce que plusieurs partenaires trouvent un accord. Le résultat est un standard minimum des performances des PTA au sein de l’état.

Sachant que de nombreux PTA fonctionnent selon les standards minimum, ceux qui les excèdent compenseront pour les établissements qui ne réussissent pas à s’améliorer pour des raisons légitimes. En raison des différentes caractéristiques des états, comme leurs objectifs, la démographie et le nombre de PTA, le nombre attendu d'admissions par PTA varie d'un état à l'autre. Les PTA classés comme peu performants dans des états avec une charge très importante pourraient tomber parmi les meilleurs performants dans des états à charge faible. Des facteurs tels que le mouvement des populations et d'autres dynamiques démographiques ont également un impact sur les admissions. L'avantage de ce procédé est l'identification des PTA comportant peu d'admissions (souvent ceux des régions isolées), qui seraient sinon masqués par les admissions élevées des PTA très performants dans les états affichant par ailleurs de bonnes performances GCMA dans l'ensemble.

Après le classement des centres et l'analyse des admissions, une analyse qualitative est menée afin de comprendre les facilitateurs de hautes performances dans les établissements affichant de très bons résultats et d'identifier les goulets dans ceux qui ne sont pas performants. Les responsables locaux du programme sont invités à prendre part au processus, étant donné leur connaissance des centres et les informations qu'ils peuvent apporter afin de servir le programme GCMA.

Étape 4 : élaboration de plans d'action conjoints

Pour chaque PTA peu performant, un plan d'action est requis afin d’améliorer les performance et accélérer les progrès. Ces plans d'action s'appuient sur les goulets et les facilitateurs identifiés, et comprennent généralement des activités facilement mises en place et rentrant dans les capacités budgetaires locales. Les actions à long-terme et les actions requérant des ressources supplémentaires, comme l'embauche de personnel ou l’élargissement des services, sont traités de manière progressive en même temps que ces solutions rapides à court-terme, qui fournissent quant à elles des résultats rapides et une première motivation. L’absence de ces actions plus faciles a souvent été la cause principale de performances peu concluantes par le passé.

La mise en oeuvre commence souvent la semaine qui suit l'exercice afin de maintenir le dynamisme parmi les partenaires chargés de la mise en oeuvre et le personnel étatique du ministère de la santé. Lorsque des ressources supplémentaires sont nécessaires, l'UNICEF fournit un soutien technique et financier direct. Les plans d'action sont calibrés au mieux au niveau local afin que le plus grand nombre de centres en bénéficie, que ce soit à travers des réunions de rapports mensuels réguliers du personnel des PTA, des formations sur le terrain et du parrainage, des contrôles du périmètre brachial, l’approvisionnement en médicaments, le redéploiement de personnel, ou la fourniture d'autres services ( comme le Programme élargi de vaccination (PEV), la gestion intégrée de la maladie infantile (GIMI) ou de la santé reproductive). Les localités avec un nombre important de PTA peu performants ont la priorité sur ceux qui n'en ont qu'un ou deux, puisqu'il est plus pratique de traiter cinq PTA peu performants sur une localité que d'en traiter cinq éparpillés sur plusieurs localités.

Le manque de personnel est un goulet commun de longue durée, identifié comme facteur de mauvaises performances dans les PTA et difficile à résoudre. L'UNICEF avait déjà évoqué ce problème avec les autorités étatiques et fédérales du ministère de la santé, et bien qu'il y ait eu des cas où le programme national du ministère avait déployé un soutien supplémentaire afin de venir en aide aux localités peu performantes (en réponse à l’arrivée de réfugiés notamment), ou avait temporairement réassigné du personnel issu d'autres localités ou de niveau fédéral, dans de nombreux cas le problème demeure. Un autre problème couramment identifié est l’accès difficile aux populations éloignées. Lorsque la situation est temporaire, comme lors du déplacement de communautés vers des terres agricoles, on a recours à des cliniques mobiles et satellites dirigées par des ONG et parfois en collaboration avec le ministère de la santé (financé par l'UNICEF ou le ministère fédéral lorsqu'elles s'accompagnent du PEV).

Étape 5 : le suivi

Après le lancement de la mise en oeuvre des plans d'action, les centres peu performants ainsi que les localités sont contrôlés minutieusement tous les mois afin de suivre leurs progrès. Ces contrôles sont importants afin de garantir l'application de ces mesures de manière efficace et rapide.

Étude de cas de l’État de la mer Rouge

L’État de la mer Rouge se situe à l'est du Soudan, bordant la mer Rouge, l'Érythrée et l'Égypte. La capitale Port-Soudan est une ville commerciale et le seul port ouvert sur la mer au Soudan. Les enquêtes du MICS ont révélé en 2014 que la malnutrition aiguë globale (MAG) s'élevait à 14 % et la MAS à 2,3 %. La planification des services pour la MAS au sein de l’état, comme dans tous les autres états du Soudan, s'appuie sur le rapport S3M de 2013, qui avait rapporté 20 % de MAG et 7,5 % de MAS pour la mer Rouge. L’enquête de référence nationale des foyers de 2009 a également révélé que plus de la moitié de la population de l’état est pauvre.

Sous la direction du ministère de la santé de l’état, le GCMA a été étendu avec succès, malgré des ressources limitées, à une couverture de plus de 60 %, comme cela a été rapporté par deux enquêtes successives conduites dans les localités sélectionnées. Il existe actuellement 129 PTA répartis à travers l’état sur neuf localités, qui traitent plus de 14 000 enfants par an depuis 2016.

À la fin du premier semestre 2017, l'État de la mer Rouge était parmi les états identifié comme ayant des difficultés à atteindre leurs objectifs annuels. En conséquence, l'UNICEF a renforcé les capacités de l’état via une analyse décentralisée, l'identification des sites et localités peu performants, par l'analyse des goulets et le développement de mesures visant à accélérer les progrès. Le ministère de la santé de l’état était très impliqué, fournissant l’accès à la base de données GCMA de l’état pour analyse et coordination, et participant activement à l'ensemble du processus. Les étapes de ce processus comprenaient :

Étape 1 : établissement d’un objectif étatique annuel

En 2017, 17 490 enfants souffrant de MAS étaient identifiés pour recevoir le traitement via le programme GCMA dans l’État de la mer Rouge. Cet objectif fut déterminé par le ministère de la santé étatique et les partenaires, et soutenu par l'UNICEF, en s'appuyant sur la prévalence de MAS du S3M de 2013.

Étape 2 : mesurer les progrès et identifier les états peu performants

Les progrès furent peu concluants dans l'atteinte des objectifs de 2017. À la fin du mois de juillet 2017, seuls 6 837 enfants furent admis, soit 39 % seulement de l'objectif annuel. La couverture représenta en outre 777 enfants de moins que l'année précédente. Les taux de guérison, taux défaillants et taux de mortalité restèrent dans la norme de SPHERE. L’équipe technique de l'UNICEF a accompagné l’équipe de nutrition du ministère par un contrôle décentralisé afin d’accélérer les progrès.

Étape 3 : analyse conjointe des performances par centre, et identification des goulets

L'UNICEF, le Ministère fédéral de la santé et le personnel local se sont accordés sur des critères de classification des performance des PTA, répartis en élevé, moyen ou faible (voir tableau 1) Ceci fut basé sur le nombre total d'admissions pour l’état à ce moment, le nombre total de PTA, les facteurs démographiques (activités nomades et migration saisonnière en raison des vagues de chaleur), et les tendances des admissions sur les années précédentes. En utilisant ces repères, les équipes de contrôle de l'UNICEF et du Ministère de la santé ont pu conjointement analyser les données du GCMA.

Tableau 1 : Classification des performance des PTA dans l’État de la mer Rouge, juillet 2017

Des tableaux croisés-dynamiques (voir graphique 1) ont été utilisés pour représenter les performances et les tendances des sites GCMA, de la localité et des partenaires chargés de la mise en oeuvre. Sur des tableaux de conférence, les PTA ont été regroupés par performance en fonction des critères définis.

 Pour chaque PTA, les participants familiers du site ont donné des réponses précises à la question : " Pour quelles raisons les performances de ce PTA sont-elles à ce niveau ?". Cette analyse qualitative a fourni une vue d'ensemble précise de tous les PTA en difficultés avec le personnel, l'aide gouvernementale locale, le manque de fournitures, l'acceptation de la communauté et la capacité à fournir des soins primaires. Ces discussions ont été facilitées par des outils interactifs comme les cartes de Visualisation Intégrée aux Processus Participatifs (VIPP) ou StickIt afin de faire ressortir les véritables forces et faiblesses des PTA, par opposition aux vérifications de programmes qui ne fournissent que des généralités. Le résumé des caractéristiques des sites très et peu performants dans l’État de la mer Rouge sont disponibles dans la encadré 1.

Figure 2 : exemple des tendances d'admission pour le site Karary, sud de Nyala, janvier à septembre 2017

Ceci est uniquement disponible en anglais - désolé pour tout inconvénient causé

Étape 4 : développement de plans d'action conjoints

Encadré 1 : résumé des caractéristiques des sites très et peu performants dans l’État de la mer Rouge

Centres très performants

  1. Vérification régulière au niveau communautaire
  2. Personnel hautement qualifié et impliqué
  3. Forte acceptation de la part des membres de la communauté
  4. La mise sur pied de services intégrés de soins de santé primaires (plutôt que des PTA indépendants)

Centres peu performants

  1. Manque de personnel adéquat
  2. Centres dirigés par des bénévoles sans incitations financières
  3. Faible niveau d'éducation et de compréhension du protocole de soin, en dépit de plusieurs participations à des séances de formation
  4. Cadres cherchant des revenus par le biais d'autres activités, comme au port.
  5. Il n'y existe aucune forme de découverte de cas
  6. Faible degré d'acceptation par la communauté
  7. Population éparse et terrain montagneux
  8. Fréquents mouvements de population vers d'autres lieux pour l'agriculture et d’autres activités rémunératrices
  9. Fonctionnement irrégulier des PTA mobiles (l'UNICEF ne finance que 4 localités)

Un plan d'actions accélérées a été développé à partir de l'analyse approfondie des performances et de l'identification des facteurs propices ainsi que des goulets. Il correspond aux besoins afin d’accélérer les performances des PTA en difficultés dans l’État de la mer Rouge (voir Encadré 2).

Étape 5 : suivi et examen des progrès accomplis dans la mise en œuvre

Les mesures ont été mises en place immédiatement par l’équipe de nutritionnistes du ministère de la santé et avec le soutien de l’équipe de l'UNICEF présente en mer Rouge. Le bureau national de l'UNICEF à Khartoum a fourni un suivi périodique afin de suivre les progrès dans la mise en œuvre du plan d'action. Ce système de suivi s'est avéré essentiel pour assurer que les plans ne sont pas remisés mais mis en œuvre de façon opportune et systématique. Un grand nombre de ces actions a été institutionnalisé et la mise en oeuvre a continué après 2017, notamment avec des réunions GCMA mensuelles au niveau local, des contrôles trimestriels conjoints, des formations de terrain et des séances trimestrielles de mobilisation de la communauté.

Encadré 2 : les actions visant à améliorer les performances des PTA en difficulté 

1) L'UNICEF/ ministère de la santé mènent des visites trimestrielles conjointes de contrôle/parrainage (et formation de terrain) dans les 27 PTA les plus en difficultés dans les villes de  Sinkat, Haya, Ageeg, Haleib, Jabetalmaadin et Sawakin.

2) Organiser une réunion locale mensuellepour le personnel des 27 PTA en difficulté dans les six localités afin de procéder à un examen poussé des progrès.

3) Dépistage réalisé par les mères d'enfants MAS

  • Distribuer des bandelettes pour le périmètre brachial dans tous les PTA et faciliter la distribution à toutes les mères présentes en leur expliquant la procédure.
  • Mener une session d'intégration hebdomadaire pour les mères d'enfants MAS afin d'expliquer comment prendre la mesure du périmètre brachial et les encourager à dépister les enfants dans leur voisinage.

4) Dépistage par groupes de soutien des mères (MSG).

  • Distribuer des bandelettes pour le périmètre brachial dans les MSG et mener des sessions de formations pratiques/ perfectionnement concernant le dépistage du périmètre brachial.
  • Le ministère de la santé encourage les MSG à mener des campagnes de dépistage dans leur voisinage et d'orienter les enfants MAS vers les PTA.

5) La mobilisation communautaire grâce aux dirigeants communautaire.

  1. Conduire des campagnes de sensibilisation/ sessions d'échange communautaires trimestrielles (nadwa) dans les captages des PTA visant 25 communautés clés et  incluant :
    1. 3 membres du personnel du PTA
    2. 2 cheikhs
    3. 5 shabab
    4. 2 membres de l'Union des femmes
    5. 5 mères d'enfants MAS
    6. 5 bénévoles communautaires
    7. 1 guérisseur traditionnel / revendeur de médicaments / vendeur de thé
    8. 1 représentant de l’autorité locale
    9. 1 imam

6) Le ministère de la santé étatique doit préparer des lettres de remerciement plastifiées pour les PTA qui sont performantes, afin de saluer leurs efforts et les encourager à continuer dans cette voie.

Résultats

D'ici la fin décembre 2017, 14 280 enfants souffrant de MAS furent admis dans l’État de la mer Rouge. Cela constitue une amélioration remarquable en comparaison des 6 837 enfants admis fin juillet. La répartition saisonnière de MAS peut avoir eu une influence sur les performances dans leur ensemble puisque la période de pénurie alimentaire commence en octobre et se poursuit jusqu'en février dans l’État de la mer Rouge. En revanche, la mise en oeuvre du plan d'actions accélérées arriva à point pour résoudre les goulets du programme et améliorer la capacité d'admission des enfants dans le besoin. Sans la mise en place de ces mesure et les analyses menées, un grand nombre d'enfants dans le besoin auraient pu être oubliés pendant cette période de famine.

Reconnaissant l'impact positif de cette approche de contrôle et tirant les leçons de cet exercice, le ministère de la santé étatique conduit désormais lui-même une analyse mensuelle du programme, identifiant les sites peu performants et les goulets spécifiques affectant la qualité et la couverture du programme. En plus d’étendre la couverture du programme, le contrôle décentralisé est une approche qui améliore les compétences du personnel (par le biais de formations de terrain par exemple), apportant une motivation continue au personnel, et améliorant de manière systématique la capacité générale du programme GCMA. La prise de contact trimestrielle avec les dirigeants clés de la communauté sensibilise également les communautés aux signes et dangers de la MAS et la disponibilité de services GCMA gratuits.

Des résultats semblables ont été enregistrés dans les contextes très proches (les ONG et le ministère de la santé étatique ont crée plus de PTA en raison des distances) des états du sud Darfour, est Darfour, Kordofan sud, Kordofan nord et Kordofan ouest. Dans les zones nouvellement accessibles du centre Darfour (après l’arrêt des conflits), une campagne "Find and Treat" (trouver et sauver) a été lancée afin d'admettre un grand nombre d'enfants non touchés et 22 PTA mobiles ont été créées afin d'augmenter l’accès aux soins.

Appropriation du gouvernement

Le gouvernement a progressivement pris plus de responsabilités dans la mise en œuvre du GCMA au Soudan. Le plan national de GCMA a été développé en accord avec le plan d’élargissement des soins de santé primaires (PHC), ce qui permet au gouvernement d’accroître progressivement les allocations de ressources dans ces mêmes services GCMA abritant les PHC. Faisant également preuve d'initiatives, le gouvernement a entièrement financé le dépistage national en masse du périmètre brachial afin d'identifier et de soigner plus d'enfants, mettant la priorité sur les états avec la couverture la plus faible. Au cours des trois dernières années, le gouvernement a investi plus de onze millions de dollars dans l'approvisionnement de nourriture thérapeutique prête à l'emploi.

Il est important de reconnaître en particulier la réalisation de l’étendue de la GCMA au Soudan, considérant le peu de ressources disponibles (en particulier l’énorme manque de ressources des centres de soins locaux) et le fait que les gains de cette étendue se sont pérennisés pendant 2 années consécutives, avec plus d'enfants soignés en 2017 qu'en 2016.

Conclusions

Le contrôle décentralisé est une approche qui permet d'utiliser les données locales afin d'analyser les performances des GCMA au niveau local et catalyser l'action sur l'amélioration. L'implication des acteurs clés aux niveaux local et étatique permet des contributions stratégiques aux performances du programme par des personnes qui connaissent bien le contexte local et favorise la responsabilisation à tous les niveaux. Les expériences au Soudan ont montré que, même s'il est important de se concentrer sur un soutien et un diagnostic complet du programme, il est tout aussi important d’éviter de développer une "liste de courses" de recommandations. Il est préférable de se concentrer sur moins d'actions mais plus accessibles (dans un contexte de ressources restreintes) afin de générer l'enthousiasme et l'implication et obtenir un maximum de résultats. Dans un même temps, il est nécessaire de continuer à résoudre des problèmes à long-terme non résolus, comme le manque de personnel, la motivation du personnel et l'approvisionnement irrégulier de médicaments, afin de poursuivre l'amélioration des performances de la GCMA et de la durabilité.

Pour plus d'informations, veuillez contactez : Mueni Mutunga ou Rashid Abdulai.


Références

De Daniel Tewoldeberhan, Tarig Mekkawi, Hanaa Garelnabi, Salwa Sorkti et Mueni Mutunga (2017). L'intensification de la GCMA dans les situations d’urgence prolongées et de faibles ressources : le cas du Soudan Field Exchange 55, Juillet 2017. p. 74. www.ennonline.net/fex/55/cmamexperiencessudan

 

 

 

Published 

About This Article

Article type: 
Original articles

Download & Citation

Recommended Citation
Citation Tools