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Leçons apprises grâce aux évaluations d’impact des programmes du PAM pour lutter contre la malnutrition aiguë modérée dans le Sahel

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Par Jonas Heirman, Mica Jenkins et Jennifer Rosenzweig

Jonas Heirman est responsable des activités d’évaluation d’impact auprès du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Auparavant, Jonas a travaillé dans le domaine de la recherche et de l’évaluation pour le Département du Développement international Britannique (DfID), pour l’Institute of Development Studies (IDS) et pour le European Centre for Development Policy Management (ECDPM).

Mica Jenkins est responsable de la Recherche et des Evidences pour la Division de la nutrition, au siège du PAM. Elle est titulaire d'un Master en santé et développement humain, axé sur la nutrition et les systèmes alimentaires durables. Avant de rejoindre le PAM, Mica a mis en œuvre des projets de développement rural et de recherche au Mozambique et en République dominicaine.

Jennifer Rosenzweig est une professionnelle senior du développement ayant plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de la nutrition et de la santé pour diverses agences des Nations Unies et organisations non gouvernementales (ONG). Depuis 2013, elle travaille dans la Division de la nutrition du PAM.

Lieu : Tchad, Mali, Niger et Soudan

Ce que nous savons : La relation entre le traitement et prévention de la malnutrition aiguë modérée n’est pas suffisamment comprise.

Qu'apporte cet article : Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a chargé l’International Initiative for Impact Evaluation de réaliser une série d’évaluations dans quatre pays du Sahel, afin d’analyser la relation entre traitement et prévention dans des situations d’urgence et de post-urgence. Parmi les leçons principales, on peut citer : l’importance du timing, de l’échelonnement et du calendrier de mise en œuvre pour améliorer l'efficacité d’un ensemble d’interventions pour améliorer l’efficacité ; l’avantage de travailler en partenariat et de manière coordonnée ; la compréhension des obstacles à la couverture et à l’accès, y compris l’infrastructure et à la qualité des services ; et enfin la prise de conscience des défis liés au suivi et à l’évaluation des données. Dans le cadre d’un processus continu d’apprentissage et d’amélioration, le PAM a répondu aux recommandations pratiques concernant les relations stratégiques, la communication avec les bénéficiaires et les communautés, les ensembles d’intervention contextualisés, le partage des données et les systèmes de suivi et d’évaluation.

Contexte

Des estimations récentes montrent qu’un quart des enfants émaciés de moins de cinq ans vivent en Afrique (UNICEF, 2019). Sur ces 18,2 millions d’enfants, 14 millions souffrent d’émaciation modérée. Même s’il existe des preuves de l’efficacité des interventions dans le domaine du traitement de la malnutrition aiguë modérée (MAM) (Lazzerini et al, 2013 ; Gera et al, 2017 ; Fabiansen et al, 2017), le lien entre le traitement de la MAM et les programmes de prévention reste mal compris. Pour combler ce manque de connaissances, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a commandité une série d’études dans quatre pays du Sahel afin d’analyser la relation entre traitement et prévention dans des situations d’urgence et de post-urgence (PAM, 2018).

Les résultats de cette évaluation sont pertinents pour contribuer à l’effort mondial qui vise à améliorer le continuum de soins pour la malnutrition aiguë. En particulier, les conclusions concernant les programmes de prévention (mis en œuvre au moyen de programmes globaux d’alimentation complémentaire généraux (blanket feeding) seuls ou combinés à des programmes « vivres contre création d’actifs » ou des programmes d’alimentation supplémentaire ciblés) aident à mieux comprendre certains mécanismes permettant de réduire la prévalence et l’incidence de la malnutrition aiguë.

Résumé des quatre évaluations

Même s’il existe de nombreuses preuves de l’efficacité des interventions en matière de MAM dans des environnements contrôlés, il est nécessaire de recueillir davantage d’éléments factuels sur l’efficacité de ces interventions dans les contextes où agit le PAM. Pour répondre à ces besoins en matière de données, le Bureau des Evaluation du PAM a chargé  l’International Initiative for Impact Evaluation (3ie) de réaliser une série d’évaluations d’impact sur la MAM.

Au Sahel, les taux élevés de pauvreté et d’insécurité posent des défis particulièrement redoutables pour les interventions en matière de nutrition. Le Tchad, le Mali, le Niger et le Soudan ont été sélectionnés par le PAM et les programmes en cours ont été attribués à des chercheurs. Cette approche a engendré des limites à la faisabilité de certaines méthodes d’évaluation d’impact et aucune étude n’a pu utiliser d’essai contrôlé randomisé. Malgré cela, chaque étude a apporté des éléments utiles pour les programmes du PAM en matière de nutrition. Les résumés des évaluations sont présentés ci-après.

Programmes ciblés et programmes généraux d’alimentation supplémentaire au Tchad (Saboya et al, 2018)

Au Tchad, l’évaluation s’est concentrée sur l’impact des programmes d’alimentation supplémentaire ciblée (PASC) et des programmes d’alimentation supplémentaire générale (PASG) mis en œuvre par le PAM dans une région où les niveaux de MAM sont élevés. Les PASG constituent une intervention préventive, tandis que les PASC constituent une intervention de traitement de la MAM. La principale question posée aux fins de l’évaluation était la suivante :

Quel est l’impact des interventions visant à prévenir la malnutrition aiguë modérée sur l’incidence et la prévalence de la malnutrition aiguë modérée chez les enfants de moins de deux ans ayant des niveaux variables d’accès au traitement de la malnutrition aiguë modérée ?

L’évaluation a utilisé la méthode de l’appariement sur le score de propension pour comparer les bénéficiaires et les non-bénéficiaires des PASG. La distance par rapport au centre de santé le plus proche a été utilisée pour estimer l’effet additionnel de l’accès aux PASC.

L’évaluation a mis en évidence une corrélation brute entre les PASG et la MAM correspondant à une réduction de 5 points de pourcentage (de 17% à 12%). Avec des tests statistiques, l’évaluation a mis en évidence entre 4,7 et 8 points de pourcentage de réduction de la possibilité de devenir MAM dans les foyers bénéficiant de PASG (en comparant les modèles OLS, PROBIT, IPW et IPWRA), ce qui est significatif au seuil de 5% en prenant en compte de la fraction de faux positifs (risque statistique de fausses découvertes). L’évaluation a également mis en évidence que l’incidence de la MAM est inférieure de 3,6 points de pourcentage (significatif seulement dans le modèle PROBIT) lorsque l’accès aux PASC est satisfaisant. Faute de données de recensement et de cartes fiables, il a fallu recenser directement sur le terrain les zones ayant un bon accès ou un faible accès aux PASC.

Aide alimentaire aux populations vivant dans l’insécurité alimentaire pendant le conflit au Mali (Gelli et al, 2018)

Le Mali est confronté à des défis considérables en matière de développement et de sécurité. L’évaluation d’impact a examiné les effets des distributions générales de vivres et des cantines scolaire sur les populations des zones touchées par le conflit. Les principales questions d’évaluation étaient les suivantes :

  • Quels sont les impacts du conflit et de l’aide alimentaire sur la malnutrition infantile et les autres résultats de développement ?
  • Quels sont les effets de l’aide alimentaire sur les populations éprouvées par le conflit ?
  • Quelles stratégies d’adaptation ont été les plus efficaces pour atténuer les effets du conflit ?
  • Comment l’aide humanitaire a-t-elle influencé l’efficacité des stratégies d’adaptation au niveau des ménages et de la communauté ?

L’évaluation s’est appuyée sur une étude longitudinale de la population dans la région de Mopti. La population a été subdivisée selon les critères suivants : i) l’ampleur de l’aide humanitaire reçue depuis le conflit ; et ii) le degré auquel les zones ont été touchées par le conflit. Les données ont été recueillies au moyen d’enquêtes auprès des ménages (2012 et 2017). Pendant la période étudiée, les activités d’aide alimentaire que le PAM a menées au nord du Mali ont inclus des PASG et des PASC, des distributions générales de vivres et des cantines scolaires. Les effets de l’aide alimentaire sur les populations ont été analysés en combinant la méthode de l’appariement sur le score de propension et la méthode de l’estimation des doubles différences.

L’évaluation a conclu que l’aide alimentaire n’avait pas d’effet significatif sur la prévalence de la MAM dans la population étudiée. Cependant, il a été constaté que tous les types d’aide augmentent la consommation de vitamine A ainsi que les dépenses alimentaires et non-alimentaires mensuelles.

Le traitement et la prévention de la malnutrition aiguë modérée au Niger (Brück et al, 2018)

Au Niger, l’Intervention Prolongée de Secours et de Redressement (IPSR) a mis en œuvre toute une série d’interventions parmi lesquelles l’aide alimentaire ciblée, la supplémentation alimentaire généralisée (PASG), les vivres contre création d’actifs et la supplémentation alimentaire ciblée (PASC). L’évaluation d’impact a analysé dans laquelle mesure le programme « vivres contre création d’actifs », combiné à d’autres interventions, serait plus efficace dans la lutte contre la MAM que la prévention ou le traitement seuls. La principale question posée aux fins de l’évaluation était la suivante :

Au regard des résultats obtenus en matière de nutrition, quels sont les impacts des diverses combinaisons d’éléments de programme que le PAM met en œuvre dans le cadre de son intervention prolongée de secours et de redressement ?

L’évaluation s’est appuyée sur des méthodes d’analyse quantitative et qualitative. Les analyses quantitatives ont puisé dans les données d’une enquête par panel conduite en 2014 (situation de base) et 2016 (situation finale). Afin d’analyser l’impact, l’évaluation a utilisé l’analyse des doubles différences pour comparer trois groupes : i) les personnes qui ont bénéficié de l’intervention « vivres contre création d’actifs » au départ, mais sans aide en fin d’étude ; ii) les personnes ont bénéficié de l’intervention « vivres contre création d’actifs » au départ, puis ont à la place bénéficié d’une aide alimentaire ciblée, PASG et/ou PASC en fin d’étude ; et iii) les personnes qui ont bénéficié de l’intervention « vivres contre création d’actifs » au départ et en fin d’étude, et qui recevaient une autre intervention en fin d’étude.

L’évaluation a conclu que les enfants bénéficiant à la fois de vivres contre création d’actifs et d’un traitement ou de mesures de prévention en fin d’étude (groupe 3) étaient 20% moins susceptibles de souffrir de MAM que les enfants ne bénéficiant d’aucune intervention en fin d’étude (groupe 1). En outre, les enfants du groupe 3 étaient 15,5% moins susceptibles de souffrir de MAM que ceux du groupe 2. Ces résultats suggèrent que les vivres contre création d’actifs seraient un complément important aux interventions MAM. Cependant, la disponibilité des données et la sélection non aléatoire des personnes ont incité les évaluateurs à rester prudents et à ne pas surestimer la validité des résultats.

Les programmes de traitement et de prévention de la MAM au Soudan (Guevarra, 2017)

Au Soudan, le PAM mène à la fois des activités de traitement et de prévention. En 2015, le PAM a étendu les activités de prévention de la MAM (basées sur l’alimentation) aux régions bénéficiant déjà de PASC. Le PAM a également étudié l’efficacité que pourrait relativement avoir l’intégration d’interventions de prévention de la MAM avec des activités de communications sur le changement de comportement et de normes sociales (CCCS) et des interventions dans le domaine de l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH). La principale question d’évaluation était la suivante :

Quel est l’impact des différentes interventions de traitement et de prévention de la MAM sur l’incidence et la prévalence de la malnutrition aiguë modérée et sévère chez les enfants de moins de cinq ans et chez les femmes enceintes et allaitantes ?

L’évaluation s’est appuyée sur un essai contrôlé par grappes, qui a suivi, par étapes, l’extension des interventions de prévention de la MAM dans les régions bénéficiant de PASC. Cependant, l’affectation des groupes à des cycles particuliers d’extension n’était pas aléatoire et l’extension a également connu des retards de mise en œuvre. L’évaluation a par ailleurs intégré un design parallèle à deux bras d’étude, contrôlé par grappe, de manière à évaluer la prévalence de la malnutrition dans les zones bénéficiant de traitement en comparaison avec les zones qui bénéficiaient aussi bien du traitement que de la prévention.

L’évaluation n’a permis de déceler aucune différence importante dans la prévalence de la malnutrition aiguë globale (MAG), la MAM ou la malnutrition aiguë sévère (MAS) parmi les populations bénéficiant d’interventions de prévention. L’importance de garantir la qualité et la prestation des services effective a été signalée comme un domaine auquel le PAM devrait accorder plus d’attention. Cependant, après un quatrième cycle d’interventions de prévention de la MAM basée sur l’alimentation, l’évaluation a décelé une diminution pouvant aller jusqu’à 12% du nombre d’individus à risques. Les évaluateurs proposent trois interprétations de ces résultats : i) il existe un décalage dans le temps entre la réduction de la population à risque et les taux de prévalence ; ii) les taux de prévalence demeurent élevés dans les zones bénéficiant d’interventions de prévention parce que les cas de SAM sont repassés MAM ; ou iii) la couverture de la prévention n’était pas suffisamment élevée pour réduire les taux de prévalence à l’échelle de la population. De plus, aucun effet significatif n’a été relevé concernant les interventions CCCS en raison des difficultés de mise en œuvre et d’un faible taux de participation.

Leçons et les recommandations de la « série MAM » (PAM, 2018)

La « série MAM » a été particulièrement utile au PAM en raison des nouvelles évidences importantes qu’elle a apporté sur les problèmes opérationnels et sur l’impact des interventions de traitement et de prévention menées au Sahel. Une synthèse des quatre évaluations a permis d'en tirer les enseignements suivants :

  1. Une plus grande attention au choix du timing, à la séquence et au calendrier de mise en œuvre d’un ensemble d’interventions se traduira probablement par une efficacité accrue ;
  2. Des partenariats plus étroits et une meilleure coordination peut favoriser une mise en œuvre plus efficace et efficiente ;
  3. Les défaillances des infrastructures comptent parmi les obstacles à l’amélioration de la couverture et de l’accessibilité. La connaissance de la disponibilité des services de qualité est également importante ;
  4. La qualité, la disponibilité et le manque de données en matière de suivi et d’évaluation sont problématiques.

Ces enseignements ont servi de base aux recommandations suivantes destinées au PAM :

  1. Le PAM devrait investir dans l’approfondissement stratégique de ses relations avec ses partenaires et les parties prenantes, renforçant leurs capacités si besoin ;
  2. Les interventions du PAM devraient accorder une plus grande attention à la communication avec les groupes ciblés, à l’efficacité du dépistage de cas et à la sensibilisation des populations locales, qui sont autant de moyens susceptibles d’améliorer le ciblage et l’efficacité des programmes de traitement et de prévention de la MAM ;
  3. Les composantes des programme MAM (paquets d’activités, par exemple) devraient être mieux adaptées au contexte et nécessiteraient éventuellement d’être intégrés dans des solutions multisectorielles à plus long terme ;
  4. De plus gros efforts doivent être consentis pour partager les données entre les organismes œuvrant en faveur de l’objectif de développement durable 2 et pour assurer la compatibilité des outils et des systèmes ;
  5. Plus de soutien et d’attention sont nécessaires pour améliorer la collecte et l’utilisation des données de suivi et de coûts.

Ces recommandations soulignent l'importance de considérer les interventions de traitement et de prévention de la MAM tout au long du continuum des soins. La fourniture d’une intervention par phase – du traitement, de la prévention et d’autres interventions telles que les vivres contre création d’actifs – s’est avérée avoir des bénéfices importants en terme d’efficacité, en fonction de la combinaison de programmes et le contexte. En outre, toutes les études ont souligné l’importance d’améliorer la collecte de données comparables sur les coûts afin de permettre une prise de décision plus stratégique. Suite à la synthèse de 2018, nombre de ces enseignements et recommandations ont été immédiatement pris en considération par le PAM.

Donner suite aux recommandations

La « série MAM » a fourni au PAM des données probantes et des recommandations pour accompagner les améliorations à la planification et à l’exécution des interventions de traitement et de prévention de la malnutrition. L’équipe du PAM chargée de la nutrition a accepté les cinq recommandations formulées dans le rapport de synthèse et a immédiatement entrepris de les incorporer aux partenariats, aux politiques, aux orientations et au support qu’elle apporte. Les exemples suivants illustrent la façon dont les recommandations de la « série MAM » ont influencé les programmes de nutrition du PAM.

Recommandation 1 : approfondir les relations stratégiques et soutenir le renforcement des capacités des partenaires

Au niveau institutionnel, la politique du PAM en matière de nutrition (2017-2021) a fait du partenariat une priorité absolue et a reconnu la nécessité d’une collaboration entre les acteurs de la nutrition pour recenser et améliorer les plateformes de prestation de services afin de veiller à ce que tous les groupes vulnérables aient accès à une alimentation saine. Dans le secteur de la nutrition, les partenaires du PAM sont divers ; il s’agit notamment de gouvernements nationaux, d’autres agences des Nations Unies, d’organisations non gouvernementales, d’établissements universitaires et du secteur privé, qui apportent tous des atouts importants aux programmes du PAM dans ce domaine.

En 2018, le PAM a mis à l’essai sa plateforme pilote de formation numérique externe (nutx), conçue pour partager l’expertise et les expériences de l’organisation en matière de nutrition avec les partenaires externes, dont les gouvernements, les agences des Nations Unies, les ONG nationales et internationales, les établissements universitaires et les acteurs du secteur privé1. Cette plateforme offre une large gamme de cours et d’activités en ligne alignés sur les priorités alimentaires du PAM, avec pour but de promouvoir le renforcement des capacités des partenaires et la réalisation de l’objectif de développement durable 2. C’est au cours du dernier trimestre de 2019 qu’elle sera officiellement lancée.

Recommandation 2 : améliorer la communication avec les groupes cibles et mieux sensibiliser les communautés

La « série MAM » a décelé des lacunes dans la communication du PAM, notamment lors de la mise en œuvre de CCCS. Pour remédier à ces lacunes ainsi qu’à d’autres en matière de CCCS dans les différents contextes, le PAM investit dans les CCCS de multiples façons. Depuis qu’elle a finalisé et lancé, en 2018, son manuel exhaustif d’orientation sur les activités opérationnelles de CCCS2, à l’intention des programmes de nutrition, l’équipe de la nutrition au sein du PAM s’est employée à agir au niveau national de manière à améliorer la qualité, la portée et l’impact des programmes CCCS, notamment en formant plus de 350 membres du personnel et de partenaires dans cinq régions. L’évaluation a recommandé l’examen des interventions, des actions et des plateformes de prestation de CCCS au Soudan. De ce fait, le PAM a élargi ses activités pour y inclure une émission télévisée et une autre radiophonique axées sur l’alimentation ainsi que l’envoi de SMS groupés à la population cible. Ces approches médiatiques innovantes s’appuient sur les méthodes traditionnelles de mobilisation des populations locales, sur des journées de la santé ou de la nutrition, sur des groupes de soins et sur des formations ciblées en matière de CCCS afin de renforcer les capacités du personnel et des partenaires.

Dans des régions reculées du Tchad, le PAM teste un modèle pair à pair à travers lequel des « mères-modèles » partagent, sur une période de 12 jours, de bonnes pratiques en matière d’hygiène et de nutrition avec un groupe de 12 à 15 femmes. Les mères-modèles utilisent des « nutricartes » pour enseigner aux autres mères comment préparer un repas nutritif en utilisant des produits locaux et comment se servir de jeux interactifs avec leurs enfants afin de stimuler leur développement cognitif. Cette approche renforce l’appropriation du processus par la population et vise à améliorer la couverture et l’efficacité du programme de traitement de la MAM.

Recommandation 3 : concevoir des interventions adaptées au contexte

L’approche du nouveau plan stratégique de pays (PSP) du PAM a encouragé chaque bureau national à faire en sorte que ses programmes soient adaptés à la situation et aux besoins du pays. En Afrique de l’ouest, le processus de formulation du PSP a été l’occasion d’intégrer une manière de penser « sensible à la nutrition » dans les portefeuilles des pays. L’initiative du PAM pour le renforcer la résilience au Sahel a intégré une manière de penser et des mesures « sensibles à la nutrition » dans la sélection de toutes les activités. Les conclusions émanant du Niger sur les avantages que présente la combinaison de « vivres contre création d’actifs » avec d’autres interventions ont également favorisé l’intégration des activités dans le Sahel.

L’analyse de la nutrition est facilitée par l’outil du PAM servant à analyser le déficit en nutriments (Fill  the Nutrient Gap)3, outil qui informe sur les obstacles spécifiques à chaque contextes pour accéder à un régime alimentaire sain et nutritif et qui aide à la prise de décisions multisectorielles visant la prévention de la malnutrition. L’analyse se concentre sur les insuffisances dans l’apport en nutriments de sorte à éclairer les politiques et mesures à appliquer au niveau des pays en vue d’améliorer l’état nutritionnel des populations, notamment des catégories les plus vulnérables.

Recommandation 4 : améliorer les méthodes de collecte de données d’une institution à l’autre et favoriser le partage des données

Le PAM déploie des efforts considérables pour améliorer la qualité des données relatives à la nutrition collectées à des fins de suivi et d’analyse. SCOPE CODA est une initiative novatrice du PAM, basé sur le cloud (nuage informatique), qui a le potentiel pour transformer la gestion des données au sein des programmes de traitement de la malnutrition. Cette application donne une identité numérique aux patients et assure le suivi des services de santé, remplaçant le système de dossier sur papier, les cartes de ration et de référencement et les rapports des centres de soins par une carte à puce personnalisée et reliée à une base de données électronique. Elle réduit le nombre d’erreurs humaines, rationalise les données et rend plus efficace le traitement de la malnutrition aiguë. SCOPE CODA renforce la coordination entre les partenaires en offrant une plateforme unifiée et en établissant des liens avec les systèmes existants de sorte que toutes les parties prenantes de la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA), y compris les gouvernements, l’UNICEF, les organisations internationales, les partenaires de mise en œuvre puissent accéder aux informations sur les programmes et échanger des données. La plateforme est élaborée comme un système de données unique pour tous les programmes de traitement de la MAS (gérés par UNICEF) et de la MAM (gérés par le PAM), et devrait par là-même aboutir à une meilleure coordination entre les partenaires, à une gestion intégrée des données et à une diminution des perdus de vue à la suite au référencement des cas.

Recommandation 5 : améliorer l’utilisation des données de suivi et de coûts

Malgré les efforts déployés dans le cadre de cette série d’évaluations pour recueillir et analyser des données sur les coûts, les résultats ne se sont pas révélés concluants et font ressortir la nécessité d’une étude des coûts plus rigoureuse. Le PAM s’emploie actuellement à améliorer la qualité et l’utilité des données relatives au suivi et aux coûts des interventions de nutrition. Afin d’améliorer l’analyse des coûts, le PAM a récemment lancé un nouvel outil d’estimation des couts qui permet aux pays de collecter des données comparables sur les interventions. Pour générer des estimations quant aux programmes de traitement de la MAM, cet outil analyse à la fois des données financières et de suivi provenant du PAM en utilisant une méthodologie standardisée à l’échelle mondiale. Cela assure une cohérence, à la fois dans la recherche des données et dans les calculs, à travers les pays, afin de permettre des comparaisons à travers le monde. En outre, cet outil analyse des informations supplémentaires, telles que les inducteurs de coûts, pour aider les programmeurs sur le terrain à améliorer la rentabilité au fil du temps.

Cet outil permettra au PAM d’estimer le coût pour traiter un enfant MAM. Avec la collaboration des partenaires, il permettra également de déterminer le coût total du traitement de la MAM par enfant. Outil interne, il s’articule autour des systèmes de données du PAM, permettant autant de minimiser la pénibilité que d’encourager la cohérence entre les pays. La méthodologie et les résultats seront toutefois mis à la disposition des partenaires.

Conclusion

Les conclusions de la série d’évaluations d’impact de la MAM contribuent à un processus d’apprentissage et d’amélioration au sein du PAM. La synthèse de ces évaluations a fourni des recommandations pratiques qui orientent actuellement les efforts du PAM visant à améliorer le traitement et les mesures de prévention de la malnutrition aiguë. Ces améliorations offrent également de nouvelles occasions de tester des hypothèses et de générer de nouvelles données probantes de manière à répondre aux questions soulevées par la série d’évaluations de la MAM.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Jonas Heirman.


Endnotes

1nutx est disponible sur : https://cdn.wfp.org/nutrition/nutx/

2Communications sur le changement social et comportemental : manuel d'orientation en matière de nutrition, publié par le PAM. Disponible sur : https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000102103/download/

3https://www1.wfp.org/publications/2017-fill-nutrient-gap?_ga=2.217522065.62125258.1558712434-190838471.1546502188


Références

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