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Facteurs déterminants de l’état nutritionnel des adolescents et des pratiques associées au Burkina Faso : analyse secondaire de données mutualisées

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Par Deepali Godha, Maurice Zafimanjaka, Estelle Bambara, Nathalie Likhite et Manisha Tharaney.

Deepali Godha est une chercheuse indépendante spécialisée dans l'analyse de la santé et des populations sur de grands ensembles de données à l'aide de Stata. Travaillant en tant qu'analyste principale depuis près de 14 ans, elle a utilisé une série de techniques économétriques, pour effectuer des recherches sur des sujets en lien avec la santé et la nutrition.

Maurice Gerald Zafimanjaka est économiste et spécialiste de la santé publique et directeur du projet Alive & Thrive au Burkina Faso. Il a plus de 20 ans d'expérience internationale dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation de programmes de santé, de nutrition et de sécurité alimentaire.

Estelle Aïssa Bambara est nutritionniste de formation et directrice de la division nutrition du ministère de la Santé du Burkina Faso depuis 2019. Auparavant, elle a dirigé pendant cinq ans l'équipe chargée de la surveillance et de la prise en charge de la malnutrition. Elle a rejoint la Division de la nutrition en 2009.

Nathalie Likhite est la conseillère régionale en changement social et comportemental d'Alive & Thrive pour l'Afrique de l'Ouest. Nathalie a plus de 20 ans d'expérience de travail avec des organisations internationales dans la recherche, la conception et la mise en œuvre de programmes de changement social et comportemental en Afrique, en Asie et en Europe.

Manisha Tharaney est la directrice du programme pour l'Afrique de l'Ouest chez Alive & Thrive. Elle a 20 ans d'expérience en Asie et en Afrique dans le domaine du renforcement des systèmes de nutrition et de santé. Elle soutient actuellement le portefeuille d'Alive & Thrive en Afrique de l'Ouest.

Lieu : Burkina Faso

Ce que cet article nous apprend : Le présent article mutualise des données issues de différentes enquêtes pour étudier les niveaux de malnutrition et la diversité alimentaire associée chez les adolescents issus de différentes régions et couches socioéconomiques du Burkina Faso.

Principaux messages :

  • L’étude a mis au jour une diversité alimentaire sous-optimale et une consommation élevée d’aliments sucrés et transformés. Pour réduire le double fardeau de la malnutrition au Burkina Faso, il est important que les décideurs politiques tiennent compte des liens étroits entre la diversité alimentaire et la consommation d’aliments mauvais pour la santé ou comportant des sucres ajoutés.
  • La prévalence de la malnutrition sévère, mesurée par un périmètre brachial inférieur à 16 cm selon le seuil défini par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), était importante, en particulier chez les adolescents les plus jeunes.

Introduction

S’étendant entre 10 et 19 ans, l’adolescence est une période marquée par une croissance physique rapide et un développement cognitif et psychosocial important, pendant laquelle les comportements en matière d’alimentation et d’activité physique se mettent en place. Il s’agit ainsi d’une étape cruciale qui aura une incidence sur l’état de santé futur des adolescents et, dans certains cas, de leurs enfants (ENN, 2021). Dans le monde entier, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire sont confrontés au double fardeau de la malnutrition au sein de la population adolescente, un phénomène associé à une consommation croissante d’aliments ultra-transformés (Li et al., 2020).

L’évaluation du statut nutritionnel des adolescents diffère de l’évaluation portant sur les enfants de moins de cinq ans, et s’avère moins bien définie à l’échelle mondiale. Les adolescents représentent 23,1 % de la population totale du Burkina Faso (Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé [OMS] pour l’Afrique, 2018), et la division chargée de la nutrition du ministère de la Santé se montre de plus en plus désireuse de mieux comprendre le statut nutritionnel et les pratiques de ce groupe. Le présent article analyse les informations nutritionnelles disponibles concernant les adolescents, issues d’enquêtes qui ont été réalisées en 2017 et 2018 au Burkina Faso pour combler les lacunes en matière de données. 

Données disponibles

L’étude a mutualisé des données issues des enquêtes sur la nutrition réalisées à travers le projet Performance Monitoring and Accountability (PMA 2020) auprès de femmes âgées de 10 à 49 ans au Burkina Faso en 2017 (PMA2017/Burkina Faso-R4-HQFQ, 2017) et 2018 (PMA2018/Burkina Faso-R5-HQFQ, 2018). L’échantillon final pour toutes les analyses comprenait 2 432 adolescentes n’étant pas enceintes. Grâce à leur échantillonnage en grappes et à l’utilisation de la technologie mobile, les enquêtes PMA 2020 rapides, peu coûteuses, et représentatives à l’échelle nationale, ont permis d’effectuer le suivi d’indicateurs de santé clés dans neuf pays d’Afrique et d’Asie. L’enquête sur la nutrition PMA 2020 visait à générer des données exploitables sur les interventions en matière de nutrition menées à l’échelle du Burkina Faso (données PMA, non datées).

Elle a permis d’obtenir des informations sur trois résultats liés à la nutrition :

  1. Diversité alimentaire : la diversité alimentaire minimum a été définie comme le fait d’avoir consommé, la veille de l’enquête, des aliments issus d’au moins cinq des 10 groupes alimentaires (céréales, légumineuses, fruits à coque et graines, œufs, viande, légumes à feuilles vertes, fruits et légumes riches en vitamine A, autres fruits, autres légumes et produits laitiers).
  2. Consommation de sucres ajoutés : indique si la personne interrogée a consommé, la veille de l’enquête, des aliments sucrés (jiggery, beignets, mandaazi, biscuits sucrés, gâteaux, bonbons, etc.) et/ou des boissons sucrées (boissons fruitées sucrées, thé sucré, boissons gazeuses ou thé au lait sucré).
  3. Périmètre brachial inférieur à 16 cm : indicateur indirect permettant d’évaluer le statut nutritionnel, selon lequel un seuil de 16 cm indique une malnutrition sévère chez les adolescents, telle que définie par les directives de l’OMS sur la prise en charge intégrée des maladies de l’adolescent et de l’adulte (OMS, 2011). Ce seuil a été utilisé en raison de l’absence de directives normatives de l’OMS sur les définitions anthropométriques de la sous-nutrition chez les adolescents.

Les variables indépendantes ont été sélectionnées à partir d’une analyse documentaire et des données disponibles. Elles comprenaient le lieu de résidence, le tertile de richesse du ménage, la tranche d’âge, la fréquentation scolaire, la cohabitation avec des personnes âgées, la situation matrimoniale, l’emploi, la taille du ménage et les mauvaises habitudes alimentaires (c’est-à-dire si la personne interrogée avait consommé des en-cas frits et salés, des aliments sucrés et/ou des boissons sucrées la veille de l’enquête).

Les ménages ont été interrogés sur huit aspects de l’insécurité alimentaire associés aux 12 derniers mois précédant l’enquête, à savoir « les craintes de manquer de nourriture », la qualité, la variété, la fréquence, la quantité, la disponibilité, le niveau de faim et le fait de ne pas manger pendant toute une journée. L’insécurité alimentaire des ménages a été classée comme faible/inexistante si moins de trois aspects étaient vrais, modérée si quatre à six aspects étaient vrais, et grave si plus de six aspects étaient vrais. Les régions ont été regroupées pour former six groupes en fonction de la zone géographique, des pratiques alimentaires et des proximités culturelles (voir figure 1).

Figure 1 : Les six groupes régionaux du Burkina Faso

Méthodes

Nous avons croisé les résultats avec des tests du khi-carré pour les caractéristiques sélectionnées afin de comprendre la répartition des résultats dans l’échantillon de l’étude. En outre, nous avons évalué les modèles de régression logistique avec plusieurs variables à l’aide d’une procédure par étapes tout en recherchant les facteurs de confusion. Toutes les analyses ont été réalisées avec Stata 15.1.

Résultats

Diversité alimentaire

Une diversité alimentaire minimum a été observée chez 24,9 % des adolescents au Burkina Faso. Elle diffère selon les zones géographiques, en particulier entre les zones urbaines (35,3 %) et rurales (22,2 %) (voir tableau 1). La diversité alimentaire des adolescents était la plus élevée dans la région du Centre (43,5 %) et la plus faible dans le groupe régional du Sahel, du Centre-Nord et du Nord (10,8 %). Les adolescents issus des ménages les plus aisés présentaient une plus grande diversité alimentaire (32,7 %) que ceux issus de ménages à revenu moyen (22,1 %) et faible (20,1 %). La diversité alimentaire était également plus élevée chez ceux qui avaient consommé, la veille de l’enquête, des boissons ou des aliments mauvais pour la santé (38,1 %) que chez ceux qui n’en avaient pas consommé (16,4 %). Aucune différence notable n’a été constatée en fonction de la tranche d’âge, de la fréquentation scolaire et de la sécurité alimentaire du ménage.

Tableau 1. Prévalence des trois résultats selon différents paramètres

 

Diversité alimentaire

Consommation d’aliments sucrés

Périmètre brachial inférieur à 16 cm

 

%

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

Groupes régionaux

***

 

**

 

*

 

Total

24,9

2 432

36,7

2 432

15,7

2 420

Boucle du Mouhoun, Hauts-Bassins

40,8

449

54,4

449

11,8

444

Sahel, Centre-Nord, Nord

10,8

570

42

570

19,2

568

Est, Centre-Est

14,6

493

18,2

493

19,5

492

Centre-Sud, Plateau-Central, Centre-Ouest

26,3

355

23,1

355

13,3

355

Centre

43,5

343

61,4

343

11,8

340

Cascades, Sud-Ouest

32

222

24,8

222

14,2

221

Tranche d’âge

 

 

 

 

***

 

10 à 14 ans

23,9

1 316

35

1 316

26,3

1 310

15 à 19 ans

26,1

1 116

39

1 116

2,1

1 110

Lieu de résidence

*

 

*

 

*

 

Urbain

35,3

992

50,7

992

11,6

988

Rural

22,2

1 440

33,1

1 440

16,7

1 432

Tertile de richesse du ménage

*

 

**

 

*

 

Tertile le plus bas

20,1

748

31

748

18,9

743

Tertile médian

22,1

632

29,9

632

15,8

632

Tertile le plus haut

32,7

1 052

49,2

1 052

11,9

1 045

Cohabitation avec des personnes âgées

 

 

*

 

***

 

Nombre

25,6

684

41

684

5,4

681

Oui

24,6

1 748

35,3

1 748

19,2

1 739

Fréquentation scolaire

 

 

 

 

 

 

N’a jamais été à l’école

23,2

723

36,9

723

14,9

715

Niveau primaire ou supérieur

26

1 708

36,6

1 708

16,1

1 704

Taille du ménage

 

 

*

 

 

 

Inférieur à 8 membres

27,5

1 322

40,3

1 322

14,8

1 316

8 membres ou plus

22,2

1 100

31,9

1 100

16,4

1 095

Emploi avec rémunération en espèces

 

 

 

 

***

 

Nombre

24,2

2 240

36,2

2 240

16,4

2 231

Oui

34,1

192

44,8

192

4,7

189

Situation matrimoniale

 

 

 

 

***

 

Marié(e)

23,6

357

37,7

357

1,6

354

Non marié(e)

25,2

2 074

36,6

2 074

18,4

2 065

Niveau de sécurité alimentaire du ménage

 

 

 

 

 

 

Insécurité alimentaire faible ou nulle

27,9

1 314

38,9

1 314

13,7

1 310

Insécurité alimentaire modérée

25

671

34

671

16,7

666

Insécurité alimentaire grave

17,3

446

35,5

446

19,3

443

Consommation d’une boisson ou d’un aliment mauvais pour la santé la veille de l’enquête

***

 

 

 

 

 

Nombre

16,4

1 420

 -

 -

Oui

38,1

1 012

 -

 -

 -

Diversité alimentaire

 

 

***

 

**

 

Nombre

 -

 -

30,2

1 801

17,4

1 793

Oui

 -

56,5

631

10,4

627

Test du khi-carré : * valeur p < 0,05 ; ** valeur p <= 0,001 ; *** valeur p <= 0,0001

Par rapport au groupe de référence (région du Centre), les adolescents résidant dans le groupe Sahel, Centre-Nord et Nord étaient 84 % moins susceptibles d’atteindre le seuil de diversité alimentaire minimum (OR1 = 0,16), tandis que ceux résidant dans le groupe Est et Centre-Est étaient 71 % moins susceptibles de l’atteindre (OR = 0,29) (voir tableau 2). La probabilité d’atteindre une diversité alimentaire minimum était presque trois fois plus élevée chez les adolescents ayant consommé une boisson ou un aliment mauvais pour la santé la veille de l’enquête par rapport au groupe de référence des adolescents qui n’en avaient pas consommé (OR = 2,90).

Tableau 2. Résultats des modèles multivariés

 

Diversité alimentaire minimum1

Consommation de sucres ajoutés2

 

RC

Intervalle de confiance de 95 %

RC

Intervalle de confiance de 95 %

Groupes régionaux

 

 

 

 

Centre

1

Réf.

1

Réf.

Sahel, Centre-Nord, Nord

0,16***

0,08 à 0,31

0,96

0,55 à 1,67

Est, Centre-Est

0,29***

0,15 à 0,57

0,26**

0,11 à 0,62

Centre-Sud, Plateau-Central, Centre-Ouest

0,59

0,25 à 1,39

0,29***

0,16 à 0,51

Boucle du Mouhoun, Hauts-Bassins

0,56*

0,31 à 0,99

0,84

0,52 à 1,35

Cascades, Sud-Ouest

0,76

0,34 à 1,71

0,29**

0,13 à 0,66

Consommation d’une boisson ou d’un aliment mauvais pour la santé la veille de l’enquête

 

 

 

 

Nombre

1

Réf.

-

-

Oui

2,90***

2,06 à 4,08

-

-

Diversité alimentaire

 

 

   

Nombre

 -

1

Réf.

Oui

 -

2,92***

2,08 à 4,08

Tertile de richesse du ménage

 

 

 

 

Tertile le plus bas

 -

1

Réf.

Tertile médian

 -

 -

1,02

0,67 à 1,55

Tertile le plus haut

 -

1,65*

1,04 à 2,62

Validité de l’ajustement (valeur p)

0,95

0,20

1 Ajusté pour les groupes régionaux et la consommation de boissons et d’aliments mauvais pour la santé

2 Ajusté pour les groupes régionaux, la diversité alimentaire et le tertile de richesse des ménages

Consommation de sucres ajoutés

Une grande partie des adolescents (36,7 %) ont indiqué avoir consommé des sucres ajoutés la veille de l’enquête. La prévalence de la consommation de sucres ajoutés différait en fonction des groupes régionaux, en particulier entre les zones urbaines (50,7 %) et les zones rurales (33,1 %) (voir tableau 1). La consommation de sucres ajoutés était la plus élevée dans la région du Centre (61,4 %) et la plus faible dans le groupe Est et Centre-Est (18,2 %). Les adolescents issus des ménages les plus aisés avaient une consommation de sucres ajoutés plus élevée (49,2 %) que ceux issus de ménages à revenu moyen (29,9 %) et faible (31 %). La consommation de sucres ajoutés était plus élevée chez les adolescents qui atteignaient le seuil de diversité alimentaire minimum (56,5 %) que chez ceux qui ne l’atteignaient pas (30,2 %). La consommation de sucres ajoutés était plus faible chez les adolescents vivant avec des personnes âgées (41 %) et chez ceux vivant dans des ménages plus grands regroupant au moins huit membres de la famille (40,3 %).

Par rapport au groupe de référence (région du Centre), les adolescents résidant dans le groupe Est et Centre-Est étaient 74 % moins susceptibles de consommer des sucres ajoutés (OR = 0,26). Les adolescents résidant dans le groupe Centre-Sud, Plateau Central et Centre-Ouest et ceux résidant dans le groupe Cascades et Sud-Ouest étaient 71 % moins susceptibles (OR = 0,29) d’en consommer par rapport à ceux résidant dans la région Centre. La probabilité de consommer des sucres ajoutés était presque trois fois plus élevée chez les adolescents qui avaient atteint le seuil de la diversité alimentaire minimum que chez ceux qui ne l’avaient pas atteint (OR = 2,92). Les adolescents issus des ménages aux revenus les plus élevés étaient 65 % plus susceptibles de consommer des sucres ajoutés (OR = 1,65) que ceux issus des ménages aux revenus les plus faibles.

Périmètre brachial inférieur à 16 cm

La prévalence du périmètre brachial inférieur à 16 cm (un indicateur indirect de malnutrition sévère) a été estimée à 15,7 % chez les adolescents, mais différait selon les tranches d’âge (26,3 % chez les 10-14 ans contre 2,1 % chez les 15-19 ans). Des différences en matière de prévalence ont été constatées entre les zones géographiques. La prévalence était plus élevée dans les zones rurales (16,7 %) que dans les zones urbaines (11,6 %), les proportions les plus importantes s’observant dans le groupe régional Est et Centre-Est (19,5 %). La prévalence était plus faible chez les adolescents issus de ménages à revenu élevé (11,9 %) que chez ceux issus de ménages à revenu moyen (15,8 %) et à revenu faible (18,9 %). La prévalence du périmètre brachial inférieur à 16 cm était plus élevée chez les adolescents vivant avec des personnes âgées, chez les adolescents sans emploi ou sans rémunération en espèces, et chez les adolescents non marié(s). De même, chez les adolescents présentant un score de diversité alimentaire plus élevé, la prévalence du périmètre brachial inférieur à 16 cm plus était plus faible (10,4 % contre 17,4 %). Aucune différence notable n’a été constatée en fonction de la fréquentation scolaire, de la taille du ménage, de la sécurité alimentaire du ménage et de la consommation de boissons ou d’aliments mauvais pour la santé la veille de l’enquête.

La figure 2 montre que la prévalence totale de la consommation d’aliments mauvais pour la santé était plus élevée dans les zones urbaines que dans les zones rurales et sensiblement différente selon les revenus des ménages. L’importante consommation d’aliments mauvais pour la santé dans les zones urbaines peut s’expliquer par le fait que ces produits y sont plus faciles d’accès, mais les différences en matière de comportements et de normes culturelles peuvent également jouer un rôle. Dans les zones rurales, la diversité alimentaire ne semblait pas varier sensiblement selon les revenus des ménages. Il en allait de même pour la consommation d’aliments mauvais pour la santé, bien que la provenance de ces produits (faits maison, achetés auprès de vendeurs/restaurants, transformés) pouvait différer. Dans les zones urbaines, la consommation d’aliments transformés et achetés auprès de vendeurs variait entre les deux quintiles de richesse les plus élevés. Les adolescents issus des ménages les plus pauvres consommaient principalement des aliments mauvais pour la santé faits maison ; ceux issus des ménages à revenu moyen consommaient principalement des aliments mauvais pour la santé achetés auprès de vendeurs ou de restaurants ; et ceux issus des ménages les plus riches avaient tendance à acheter des aliments transformés. Ces corrélations doivent faire l’objet de recherches supplémentaires.

Figure 2. Prévalence de la consommation d’aliments mauvais pour la santé chez les adolescents, et provenance desdits aliments en fonction du niveau de richesse des ménages et du lieu de résidence (2018)

Discussion

D’après les conclusions de la présente étude, il existe un lien entre une diversité alimentaire élevée et la consommation de sucres ajoutés. Ces résultats viennent confirmer les conclusions d’une précédente étude et peuvent potentiellement s’expliquer par les habitudes alimentaires typiques de cette tranche d’âge (Moreno et al., 2010) et par le caractère abordable (Zhang et al., 2019) et accessible (Stok et al., 2018) des aliments mauvais pour la santé.

La prévalence de la malnutrition sévère, selon notre définition du périmètre brachial, était importante, en particulier chez les adolescents les plus jeunes. Ce taux est très élevé par rapport aux enfants de moins de cinq ans, mais sans définitions normalisées pour les adolescents, il est impossible d’effectuer des comparaisons avec d’autres contextes. Le fait que la prévalence du périmètre brachial inférieur à 16 cm concerne surtout les adolescents les plus jeunes suggère que les programmes nutritionnels doivent être adaptés en fonction de l’âge.

Stratégies permettant d’améliorer la nutrition des adolescents

Pour lutter contre la malnutrition et améliorer la qualité des régimes alimentaires des adolescents au Burkina Faso, des stratégies et des interventions doivent être mises en place pour réduire la consommation de sucres ajoutés et d’autres aliments mauvais pour la santé, en particulier dans les zones urbaines. Le cadre Determinants of Nutrition and Eating ou DONE (Stok et al., 2018) présente quelques stratégies prometteuses ou ayant déjà fait leurs preuves :

  • L’augmentation des taxes sur les aliments mauvais pour la santé peut en faire diminuer la consommation et inciter les adolescents à adopter une alimentation plus saine. Plusieurs pays ont mis en œuvre cette stratégie, toutefois avec des résultats limités (Haque et al., 2020).
  • Les politiques nationales visant à réglementer la vente et la commercialisation d’aliments mauvais pour la santé, à limiter les publicités agressives et à veiller au suivi et à l’application stricts des mesures ont également eu des effets (Haque et al., 2020).
  • Une éducation à la santé et des conseils nutritionnels individualisés pour sensibiliser les adolescents à ces thématiques, en particulier aux ingrédients « cachés » et aux effets néfastes sur la santé à long terme des sucres ajoutés, peuvent constituer une stratégie efficace (Haque et al., 2020).
  • De même, les directives nationales sur la nutrition et les réglementations liées aux ingrédients nocifs se sont avérées prometteuses. Les recommandations nutritionnelles doivent encourager la consommation adéquate d’aliments végétaux, de produits laitiers faibles en matières grasses, d’huiles végétales, de fruits à coque, de volaille et de poisson, et inciter à limiter sa consommation de viande rouge, d’aliments sucrés et de boissons sucrées.
  • Les limitations imposées à la vente d’aliments transformés et sucrés dans les cantines scolaires et d’autres environnements ont été efficaces dans une moindre mesure (von Philipsborn et al., 2019).

En résumé, une approche pluridimensionnelle est nécessaire pour répondre aux besoins nutritionnels des adolescents au Burkina Faso.

L’étude présente des limites et ses conclusions doivent être interprétées avec prudence. 1) La disponibilité des données a restreint la sélection des résultats et les paramètres utilisés dans la modélisation multivariée. 2) La répartition de la richesse des ménages se démarquait pratiquement en fonction du lieu de résidence, la plupart des ménages les plus pauvres se trouvant dans les zones rurales et inversement (corrélation : 0,62). 3) Les preuves montrant que le modèle multivarié pour la diversité alimentaire était adapté aux données étaient insuffisantes. 4) Bien que le périmètre brachial ait été utilisé pour définir la malnutrition sévère, son efficacité reste encore à prouver. Il est possible que les mesures du périmètre brachial moins élevées constatées chez les adolescents plus jeunes soient imputables aux différences de poussées de croissance entre les adolescents, qui se produisent en général vers la fin de l’adolescence. Si c’est le cas, il y a alors une forte probabilité d’erreurs de classification parmi la tranche d’âge des 15 à 19 ans, ce qui signifie que des enfants souffrant de malnutrition ne seront pas identifiés. Néanmoins, les résultats fournissent des enseignements utiles. 

Conclusion

La présente étude vise à mieux comprendre la santé nutritionnelle des adolescents au Burkina Faso à partir de récentes enquêtes nationales sur la nutrition. Elle a mis au jour une diversité alimentaire sous-optimale et une consommation élevée d’aliments sucrés et transformés. La prévalence de la malnutrition sévère, mesurée par un périmètre brachial inférieur à 16 cm selon le seuil défini par l’OMS, était importante, en particulier chez les adolescents les plus jeunes. Pour réduire le double fardeau de la malnutrition au Burkina Faso, il est important que les décideurs politiques tiennent compte des liens étroits entre la diversité alimentaire et la consommation d’aliments mauvais pour la santé ou comportant des sucres ajoutés. Étant donné que les comportements et habitudes alimentaires se développent au début de l’adolescence, la conception d’interventions sur la nutrition ciblant les enfants en âge d’être scolarisés devrait être encouragée en tant que stratégie de santé publique. En outre, dans la mesure du possible, les systèmes alimentaires doivent être encadrés et des politiques nationales mises en place pour instaurer une taxe sur les aliments mauvais pour la santé, en réglementer la commercialisation et sensibiliser le public à ces thématiques.


1 Odds Ratio ou rapport des cotes en français


Références

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Haque, M, McKimm, J, Sartelli, M, Samad, N, Haque, SZ and Bakar, MA (2020) A narrative review of the effects of sugar-sweetened beverages on human health: A key global health issue. Journal of Population Therapeutics and Clinical Pharmacology, 27(1), e76–e103. https://doi.org/10.15586/jptcp.v27i1.666

Li, L, Sun, N, Zhang, L, Xu, G, Liu, J, Hu, J, Zhang, Z, Lou, J, Deng, H, Shen, Z and Han, L (2020) Fast food consumption among young adolescents aged 12–15 years in 54 low- and middle-income countries. Global Health Action. https://doi.org/10.1080/16549716.2020.1795438

Moreno, LA, Rodríguez, G, Fleta, J, Bueno-Lozano, M, Lázaro, A and Bueno, G (2010) Trends of dietary habits in adolescents. Critical Reviews in Food Science and Nutrition. https://doi.org/10.1080/10408390903467480

Performance Monitoring and Accountability 2020 (PMA2020) Household and Female Survey Round 4, PMA2017/Burkina Faso-R4-HQFQ. (2017).

Performance Monitoring and Accountability 2020 (PMA2020) Household and Female Survey Round 5, PMA2018/Burkina Faso-R5-HQFQ. (2018).

PMA Data. Retrieved July 21, 2021, from https://www.pmadata.org

Stok, FM, Renner, B, Clarys, P, Lien, N, Lakerveld, J and Deliens, T (2018) Understanding eating behavior during the transition from adolescence to young adulthood: A literature review and perspective on future research directions. Nutrients, 10(6), 1–16. https://doi.org/10.3390/nu10060667

von Philipsborn, P, Stratil, JM, Burns, J, Busert, LK, Pfadenhauer, LM, Polus, S, Holzapfel, C, Hauner, H.and Rehfuess, E (2019) Environmental interventions to reduce the consumption of sugar-sweetened beverages and their effects on health. In Cochrane Database of Systematic Reviews. https://doi.org/10.1002/14651858.CD012292.pub2

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Zhang, CQ, Wong, MCY, Zhang, R, Hamilton, K and Hagger, MS (2019) Adolescent sugar-sweetened beverage consumption: An extended Health Action Process Approach. Appetite. https://doi.org/10.1016/j.appet.2019.104332

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