Analyse de la « non-réponse » au traitement de l’émaciation
Cet article résume le rapport suivant : Cazes C, Stobaugh H, Bahwere P et al (2025) Re-thinking “non-response” to wasting treatment: Exploratory analysis from 14 studies. PLOS Global Public Health https://doi.org/10.1371/journal.pgph.0003741
Les lignes directrices publiées en 2023 par l’Organisation mondiale de la Santé définissent la guérison des enfants âgés de 6 à 59 mois souffrant d’émaciation sévère ou d’œdème nutritionnel comme l’atteinte d’un score z de l’indice poids-pour-âge ≥ -2 et d’un périmètre brachial ≥ 125 mm, sans œdème nutritionnel, pendant deux semaines consécutives. Les enfants qui ne répondent pas à ces critères dans un délai de 12 à 16 semaines sont classés comme « ne répondant pas au traitement » et considérés comme des échecs thérapeutiques. Cette étude émet l’hypothèse que les patients qui ne répondent pas au traitement ne constituent pas un groupe homogène et qu’ils peuvent présenter des trajectoires de croissance différentes.
S’appuyant sur les données de 14 travaux de recherche, cette étude a analysé les enfants recevant un traitement contre l’émaciation, en excluant ceux qui présentaient des œdèmes ou des mesures anthropométriques peu plausibles. L’analyse a comparé les enfants guéris à ceux ne répondant pas au traitement et a ensuite classé ces derniers en « patients ne répondant pas au traitement à faible croissance » et « patients ne répondant pas au traitement à forte croissance », en faisant la distinction entre ceux qui ont affiché une croissance minimale et ceux qui ont répondu au traitement mais ne se sont pas rétablis pendant la durée maximale du traitement. Les trajectoires de croissance et les facteurs prédictifs de chaque groupe ont été étudiés, grâce aux données de près de 16 000 enfants.
Les résultats ont révélé que les enfants n’ayant pas répondu au traitement étaient généralement plus jeunes, présentaient une proportion plus élevée d’émaciation sévère et affichaient des indices anthropométriques plus mauvais à l’admission que les enfants guéris. Le groupe de patients ne répondant pas au traitement à forte croissance a commencé avec un statut anthropométrique plus faible mais a présenté une croissance selon une trajectoire presque parallèle à celle du groupe guéri. Le groupe de patients ne répondant pas au traitement à faible croissance présentait une croissance limitée et une morbidité plus élevée.
L’étude souligne la nécessité de faire la distinction entre les patients ne répondant pas au traitement à forte croissance, qui répondent bien au traitement mais nécessitent un traitement plus long, et les patients ne répondant pas au traitement à faible croissance, qui ne présentent que peu ou pas d’amélioration. Le fait de classer les patients ne répondant pas au traitement à forte croissance dans la catégorie des échecs thérapeutiques risque d’entraîner une sortie prématurée et une sous-estimation de l’efficacité du programme d’alimentation thérapeutique. Par exemple, les enfants admis avec un périmètre brachial très bas (~110 mm) peuvent mettre plus de quatre mois à se rétablir. À l’inverse, les patients ne répondant pas au traitement à faible croissance ont probablement des problèmes de santé sous-jacents qui limitent leur croissance, ce qui nécessite un examen médical plus approfondi.
Les résultats soulignent l’importance d’un suivi hebdomadaire du poids et du périmètre brachial pour évaluer les trajectoires de croissance individuelles. Une recherche opérationnelle est nécessaire pour déterminer si un suivi individualisé de la croissance est possible ou s’il convient d’adopter une approche standardisée, comme l’allongement de la durée du traitement pour les enfants ayant un périmètre brachial < 110 mm ou un score z de l’indice poids-pour-âge <-3 lors de leur admission. Bien qu’un traitement prolongé entraîne des coûts supplémentaires, il devrait se révéler rentable en réduisant la vulnérabilité face aux maladies sévères et à la mortalité. Étant donné que les enfants précédemment émaciés courent un risque 3 à 5 fois plus élevé de rechute ou de décès dans les six mois suivant leur sortie de l’hôpital, le fait de maintenir plus longtemps les patients ne répondant pas au traitement à forte croissance sous traitement pourrait permettre d’améliorer les résultats à long terme.
Pour les patients ne répondant pas au traitement à faible croissance, les lignes directrices existantes de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë restent pertinentes, mais il convient d’envisager une référence rapide pour un examen plus approfondi si aucune amélioration du poids ou du périmètre brachial n’est observée après 3 à 4 semaines. L’étude appelle à un réexamen du statut de « patient ne répondant pas au traitement » et plaide en faveur d’une approche plus nuancée de la catégorisation des traitements, qui tienne compte des différences de potentiel de rétablissement.