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Programmes d’alimentation de complément dans les situations d’urgence – Étude de cas au Myanmar

Ceci est l'une des quatre études de cas de cette section spéciale de FEX qui souligne l'importance d'une analyse contextuelle solide pour guider la conception, la mise en œuvre et le suivi appropriés des actions et des interventions, la collaboration et l'intégration intersectorielles, et la preuve de concept des initiatives localisées qui ont le potentiel d'être étendues au niveau national. 

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Jennifer Burns est conseillère technique principale à USAID Advancing Nutrition.

Alison Donnelly est une spécialiste indépendante de la nutrition et de l’ANJE.

Sarah O'Flynn est responsable de la nutrition humanitaire à Save the Children International.

Introduction

Ce rapport met en lumière les approches d’alimentation de complément qui ont été mises en œuvre au Myanmar entre 2017 et 2022. Le Myanmar a été choisi comme sujet d’étude de cas en raison des difficultés rencontrées par les familles pour accéder à des aliments de complément adéquats, ainsi que du large éventail d’approches d’alimentation de complément exploitables dans le pays.

Contexte de programmation

Malgré les progrès réalisés en matière de développement au cours de la dernière décennie, le Myanmar est aujourd’hui touché par une crise socio-économique, politique, humanitaire et des droits humains à l’échelle nationale, due en partie au coup d’État de 2021. Cette situation a entraîné une violence généralisée, des migrations massives, une grave insécurité alimentaire, une perte de revenus et l’inflation des prix des produits alimentaires. Les services publics se sont effondrés, notamment les services financiers, de santé, de protection sociale, de même que l’agriculture. La crise actuelle est sous-tendue par un passé de persécutions à l’encontre de nombreuses minorités ethniques, notamment les Rohingyas dans l’État de Rakhine. Actuellement, la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Avant 2021, la nutrition était intégrée à plusieurs plateformes de coordination multisectorielle et mécanismes de financement. Ces initiatives, dont beaucoup étaient conformes au cadre d’action de l’UNICEF, ont facilité la planification multisectorielle et la mise en œuvre d’un soutien à l’alimentation de complément.

En raison de la crise actuelle, les donateurs internationaux et les organisations non gouvernementales (ONG) ont délaissé le renforcement des systèmes gouvernementaux au profit du développement des capacités des partenaires locaux et des communautés. Le plan national multisectoriel de nutrition a été adapté au contexte actuel sous la forme d’un « plan multisectoriel intérimaire de nutrition », et ainsi, les investissements multidonateurs continuent à soutenir la programmation multisectorielle de l’alimentation de complément. Cependant, le passage à l’échelle du traitement de l’émaciation reste la priorité du Secteur nutrition. Les actions multisectorielles visant à soutenir l’alimentation de complément ne sont pas incluses dans les plans des autres secteurs.

Analyse de situation nutritionnelle : Éléments moteurs et facteurs déterminants de l’alimentation des jeunes enfants

Les statistiques antérieures indiquent que des progrès significatifs ont été réalisés dans la réduction des retards de croissance et de l’émaciation au cours des deux dernières décennies. Au plus fort de ces améliorations, seuls 16 % des enfants âgés de 6 à 23 mois bénéficiaient d’un apport alimentaire minimum acceptable, 57 % d’une fréquence de repas appropriée et 67 % d’une diversité alimentaire adéquate (MoHS et ICF, 2017). Des analyses plus récentes révèlent que de nombreux progrès pourraient avoir été réduits à néant depuis 2019.

Parmi les principaux obstacles aux pratiques optimales d’alimentation de complément, l’on note la perception qu’une alimentation saine doit être une alimentation basée sur des apports élevés en riz, et les tabous culturels selon lesquels les enfants ne sont nourris qu’avec certains aliments (Blankenship et al., 2020). Les options alimentaires diversifiées, disponibles à des prix abordables font défaut, en partie à cause des politiques nationales qui donnent la priorité à la culture du riz, limitant les autorisations de cultiver d’autres produits (PAM, 2020a). L’accès limité aux approvisionnements agricoles, les restrictions de mouvement et l’augmentation du prix du carburant ont davantage restreint l’accès à des aliments variés. En l’espace d’un an seulement, le coût du panier alimentaire minimum a augmenté de 32 % (PAM, 2020b). En temps normal, 59 % de la population n’a pas accès à l’eau potable (MoHS et ICF, 2017).

Interventions et actions visant à améliorer l’alimentation des jeunes enfants

Le Myanmar dispose d’exemples probants d’interventions multisectorielles axées sur le développement pour améliorer les pratiques d’alimentation de complément, principalement menées par des ONG et des agences des Nations Unies, et très peu par le système gouvernemental.

Le « sac banane », un sac en forme de fruit, rempli de différents outils conçus pour agir comme des « coups de pouce » dans le cadre des recommandations en matière d’alimentation de complément, en est un exemple. Des outils tels que les boîtes à œufs et à haricots encouragent la diversité, les kits d’instruments de concassage favorisent la préparation correcte des aliments, le volume approprié des portions est assuré par des bols gradués, et un savon et une serviette encouragent les bons comportements en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène. Le sac souple à fermeture éclair se déplie également pour se transformer en tapis de sol pour bébé, afin que les mères puissent nourrir leurs bébés et jouer avec eux dans un environnement propre.

L’élevage de poisson dans des étangs, couplé à la production de poudre de poisson séché sont d’autres exemples, ainsi que la distribution de poudres de micronutriments multiples ciblant les enfants âgés de 6 à 23 mois (allant dans certains endroits, jusqu’à 59 mois). D’autres interventions consistent à encourager les jardins potagers à domicile en fournissant des semences améliorées et à mettre en place des programmes d’alimentation de complément non ciblés à l’aide de farines mélangées fortifiées ou de compléments nutritionnels à base lipidique. Autre exemple, la distribution d’argent en espèces et de bons alimentaires, associée à la formation des livreurs en motos et des vendeurs ambulants, afin d’améliorer l’approvisionnement et la sécurité sanitaire des aliments frais.

De nombreuses approches visant à améliorer les pratiques d’alimentation de complément au Myanmar sont multisectorielles par nature et mises en œuvre par le biais de plateformes communautaires informées par une analyse contextuelle. En raison de la crise actuelle, certains de ces programmes, auparavant axés sur le développement, s’adaptent désormais au contexte humanitaire, démontrant ainsi que ce type de programmation peut être mis en œuvre dans le cadre d’une intervention humanitaire. Cependant, le manque de collaboration du gouvernement, la présence de conflits et l’accès aux communautés restent des défis majeurs.

Suivi, évaluation, apprentissage et résultats

Les indicateurs d’alimentation de complément continuent de faire partie du plan de nutrition post-coup d’État. Cependant, dans le plan d’intervention humanitaire pour 2022, les indicateurs nutritionnels ne comprennent que le nombre d’enfants qui bénéficient de programmes de prise en charge de l’émaciation. Aucun autre indicateur lié à la nutrition n’est suivi. Les enquêtes sur la nutrition sont très limitées et les évaluations des interventions sont effectuées principalement par le biais d’enquêtes téléphoniques auprès des bénéficiaires du projet, généralement axées sur l’évolution des connaissances et des attitudes.

Conclusion

En raison de la crise actuelle, l’ensemble du Myanmar est classé dans la catégorie des crises humanitaires. Il est à craindre que les progrès réalisés jusqu’à ce jour soient réduits à néant. Le renforcement du système gouvernemental n’est actuellement pas possible et l’approche systémique mise en avant par le cadre d’action de l’UNICEF est principalement assurée par les partenaires locaux et les plateformes communautaires.

Le Myanmar offre de nombreux exemples d’activités multisectorielles innovantes visant à soutenir les pratiques d’alimentation de complément qui continuent d’être mises en œuvre dans le contexte actuel. Cependant, peu d’entre elles sont prises en compte dans les plans d’intervention humanitaire actuels, où l’intensification de la prise en charge de l’émaciation reste une priorité. Il existe un risque que les actions multisectorielles visant à améliorer l’alimentation de complément soient reléguées au second plan alors que le financement et les interventions sont davantage axés sur l’aspect humanitaire.

Cette documentation sur les programmes d’alimentation de complément au Myanmar a fourni quelques exemples utiles de ce qui peut être entrepris au niveau du lien entre l’aspect humanitaire et le développement, sous l’influence de la performance des politiques, de la coordination, du financement et de la mise en œuvre des programmes intégrés multisectoriels. Les efforts doivent être maintenus afin de déterminer si ces interventions peuvent être intégrées dans la planification humanitaire, et comment ces ensembles peuvent être appliqués à d’autres parties du pays.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Jennifer Burns à l’adresse jen_burns@jsi.com

Pour revenir à la vue d'ensemble de ces études de cas, et trouver les trois autres, veuillez cliquer ici

Références

Blankenship JL, Cashin J, Nyuyen TT, and Ip H (2020) Childhood stunting and wasting in Myanmar: Key drivers and implications for policies and programs. Maternal & Child Nutrition. https://europepmc.org/article/PMC/7591306

MoHS and ICF (2017) Myanmar Demographic and Health Survey 2015-16. Nay Pyi Taw, Myanmar, and Rockville, Maryland USA: Ministry of Health and Sports and ICF.

https://dhsprogram.com/pubs/pdf/FR324/FR324.pdf

UNICEF (2020) Improving Young Children’s Diets During the Complementary Feeding Period. UNICEF Programming Guidance. New York: UNICEF.

WFP (2020a) Myanmar Annual Country Report 2020 (Country Strategic Plan 2018 - 2022). Rome: World Food Programme. https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000125396/download/ 

WFP (2020b) Myanmar Country Brief. Rome: World Food Programme. 

https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000122866/download/?_ga=2.183036517.238397890.1646735993-1291222427.1640706721&_gac=1.24293064.1644442063.CjwKCAiA6Y2QBhAtEiwAGHybPYYA0gfaGJ--x_Hm40EgBIrN8ZlCZl-8XpZan68JLHe8LVQj9PHYzRoCOYIQAvD_BwE 

USAID (2022) Complementary Feeding in Emergencies Programming in Myanmar – A Case Study on Improving the Diets of Young Children During the Complementary Feeding Period. To be published.References

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USAID (2022). Complementary Feeding in Emergencies Programming in Myanmar – A Case Study on Improving the Diets of Young Children During the Complementary Feeding Period. Publication à venir.

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Jennifer Burns, Alison Donnelly et Sarah O'Flynn (). Programmes d’alimentation de complément dans les situations d’urgence – Étude de cas au Myanmar. Field Exchange 68 French , December 2022. www.ennonline.net/fex/68/fr/etudedecasmyanmar

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