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Programmes d’alimentation de complément dans les situations d’urgence – Étude de cas au Soudan

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Ceci est l'une des quatre études de cas de cette section spéciale de FEX qui souligne l'importance d'une analyse contextuelle solide pour guider la conception, la mise en œuvre et le suivi appropriés des actions et des interventions, la collaboration et l'intégration intersectorielles, et la preuve de concept des initiatives localisées qui ont le potentiel d'être étendues au niveau national. 

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Jodine Chase est la facilitatrice du Groupe de travail interinstitutions sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence (IFE Core Group).

Gwénola Desplats est nutritionniste senior à ENN.

Introduction

Cette étude de cas a examiné les programmes d’alimentation de complément mis en œuvre au Soudan, pays connu pour avoir réalisé quelques progrès malgré un contexte de vulnérabilité récurrent (ENN et IFE CG, 2022).

Contexte de programmation

Le Soudan présente un contexte d’urgence complexe dans lequel les conflits, l’instabilité politique et économique, les épidémies de maladies infectieuses et la sécheresse ont un impact négatif sur la pauvreté et la sécurité alimentaire, et remettent en question les pratiques et les programmes d’optimisation de l’alimentation de complément.  

Au Soudan, les interventions d’alimentation de complément dans les situations d’urgence ont été adaptées à différents contextes (localités dont la situation est relativement stable pendant une période prolongée, localités dont l’accès est possible et localités dont l’accès est limité) et la priorité a été donnée aux interventions visant à sauver des vies dans les situations d’urgence aiguë. L’adaptation des interventions en matière d’alimentation de complément a été développée dans le nouveau guide opérationnel du Soudan sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence (ANJE-U).

De solides mécanismes de coordination en faveur de la nutrition étaient en place : les interventions de CFE étaient dirigées par le gouvernement par le biais du programme national de nutrition et du Secteur nutrition, tandis que la planification et l’élaboration de directives sur l’alimentation de complément étaient assurées par de multiples plateformes spécifiques à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) (groupe de travail technique ANJE, groupe de travail ANJE-U et comité technique sur l’alimentation de complément). La programmation de l’alimentation de complément dans les situations d’urgence n’a pas eu lieu en tant qu’intervention autonome, mais a été incluse dans les programmes de santé maternelle et d’ANJE plus larges. Dans les autres secteurs, le Secteur de la nutrition est étroitement coordonné avec les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (EAH), de la protection sociale, de la sécurité alimentaire et de la santé. Les informateurs clés ont également signalé que la planification conjointe de la nutrition (y compris les activités d’alimentation de complément) était en cours.

L’environnement politique apportait un soutien solide à l’alimentation de complément dans les situations d’urgence, avec diverses politiques, stratégies, plans et orientations en place pour régir les actions de l’ANJE et de l’ANJE-U. Les principaux documents politiques comprenaient une stratégie nationale d’ANJE et la politique nationale de nutrition récemment élaborée, ainsi que des directives opérationnelles d’ANJE-U. L’absence de législation sur le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (le Code) constitue toutefois une lacune importante.

Analyse de situation nutritionnelle : Facteurs et déterminants de l’alimentation des jeunes enfants

Une analyse de la situation des programmes d’alimentation de complément a été réalisée au Soudan pour guider la programmation en utilisant les enquêtes existantes sur les ménages qui ont fait état de l’anthropométrie et des pratiques alimentaires, ainsi que des données qualitatives. L’analyse a montré que l’émaciation et les pratiques d’alimentation de complément sous-optimale (principalement une alimentation peu diversifiée) chez les enfants âgés de 6 à 23 mois étaient une préoccupation majeure. Les pratiques d’alimentation de complément étaient liées à plusieurs facteurs, dont l’éducation et la situation financière des parents. Les résultats de l’analyse ont permis d’orienter les actions d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, notamment la priorité accordée à l’amélioration de la diversité alimentaire chez les jeunes enfants. Cependant, il est toujours nécessaire de disposer de données et d’analyses mises à jour reflétant la situation actuelle pour mieux guider et informer les interventions en matière d’alimentation de complément.

Les obstacles et les défis auxquels se heurte la programmation de l’alimentation de complément dans les situations d’urgence comprenaient des facteurs spécifiques au contexte, tels que l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les normes sociales, ainsi que des facteurs liés au programme lui-même, notamment le financement, la mauvaise application du Code et l’accès aux communautés éloignées.

Interventions et actions visant à améliorer l’alimentation des jeunes enfants

La plupart des interventions recommandées dans les directives opérationnelles de l’UNICEF auraient été mises en œuvre soit au niveau national, soit dans certaines localités, à l’exception de « l’alimentation adaptée aux besoins de la mère et de l’enfant », autrement dit lorsque la mère répond aux signaux de son bébé ainsi qu’à son propre désir de l’alimenter.

Les interventions comprenaient des conseils de nutrition et de communication pour le changement de comportement et de normes sociales, fournis seuls ou en association avec d’autres programmes selon le domaine d’intervention. Par exemple, dans les zones où l’insécurité alimentaire était élevée, les conseils et la communication pour le changement de comportement et de normes sociales ont été couplés à des interventions visant à améliorer l’accès à des aliments variés et nutritionnels au niveau des ménages, comme les jardins potagers à domicile, la distribution de semences fortifiées et/ou les démonstrations culinaires. Dans les zones d’insécurité alimentaire, une alimentation de complément a également été fournie aux enfants âgés de 6 à 23 mois dont le périmètre brachial était supérieur à 13 cm, ainsi que des poudres de micronutriments. L’aide monétaire distribuée en espèces s’adressait aux familles des zones vulnérables, en particulier aux mères enceintes jusqu’à ce que leur enfant atteigne l’âge de 23 mois.

Les principaux canaux de prestation de services étaient le système de santé (établissements dispensant des soins primaires) et le système alimentaire. Les systèmes de protection sociale ont également été utilisés pour cibler les familles les plus vulnérables. Le système EAH a été intégré aux interventions d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, notamment la sensibilisation à l’hygiène, l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Des actions de renforcement du système ont été mises en œuvre pour influencer les politiques et renforcer les capacités au niveau des institutions et des communautés/ménages :

Les actions axées sur le renforcement du système de santé ont consisté à influencer les politiques relatives aux services de santé et de nutrition, à développer les capacités des prestataires de services en matière d’alimentation de complément et à mettre en œuvre des interventions visant à modifier les comportements par le biais de groupes de soutien aux mères et aux pères, ce qui a contribué à consolider les prestations au niveau communautaire.

Le système alimentaire a été renforcé par une planification étroite et la mise en œuvre d’activités de nutrition et de sécurité alimentaire, en soutenant les politiques liées à la fortification alimentaire, en mettant en œuvre une alimentation de complément et en soutenant la chaîne d’approvisionnement alimentaire et le comportement des personnes responsables de l’enfant par des interventions de jardins potager à domicile et des démonstrations culinaires.

Les actions visant à renforcer le système de protection sociale comprenaient l’intégration de critères de vulnérabilité nutritionnelle dans les interventions de protection sociale et une aide monétaire distribuée en espèces pour les personnes responsables de l’enfant.

Les actions de renforcement du système eau, assainissement et hygiène ont inclus l’élaboration d’une procédure opérationnelle standard commune pour intégrer l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, l’EAH et la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë, et pour garantir aux populations vulnérables un accès à l’eau, à l’hygiène, à la sensibilisation à la sécurité alimentaire et à l’assainissement.

Suivi, évaluation, apprentissage et résultats

Les indicateurs d’ANJE (y compris l’alimentation de complément) ont été suivis par le ministère fédéral de la Santé avec le soutien de l’UNICEF et d’autres partenaires. Les indicateurs relatifs aux services de conseil et aux groupes de soutien ont été intégrés au programme national de nutrition et sont régulièrement collectés.

Bien qu’aucune évaluation n’ait encore été menée sur les résultats des interventions existantes (par exemple, les groupes de soutien aux mères et les techniques de changement de comportement), celles-ci ont depuis montré des résultats bénéfiques sur le comportement alimentaire des personnes responsables de l’enfant.

Les personnes interrogées ont identifié les principaux facteurs et les possibilités d’actions permettant de relever les défis. Parmi eux figurent : la lutte contre l’insécurité alimentaire par le biais d’une aide alimentaire directe ; la préparation aux situations d’urgence grâce aux plans et dispositions existants ; le renforcement des interventions déjà en place (par exemple, accorder la priorité au soutien par les pairs en dispensant une formation sur l’alimentation de complément aux bénévoles de la communauté, sensibiliser les communautés aux messages clés sur l’alimentation de complément, renforcer les capacités de mise en œuvre de programmes sur l’alimentation de complément et mettre en œuvre des campagnes de communication pour le changement de comportement et de normes sociales) ; l’augmentation des investissements au niveau des interventions d’alimentation de complément et la prise en compte des opportunités existantes ; le renforcement des systèmes d’établissement de rapports pour fournir des données probantes et des résultats sur les interventions et accroître le financement ; et enfin la mise en œuvre d’interventions d’alimentation de complément dans le cadre d’un programme intégré en utilisant l’approche multisectorielle.

Conclusion

Plusieurs leçons ont été tirées de cette étude de cas : le fait de disposer d’un ensemble d’interventions adaptées aux défis spécifiques de la situation d’urgence complexe du Soudan, dont l’insécurité, le manque d’accès à la nourriture, à l’eau potable et à l’hygiène, a permis de répondre de manière plus efficace aux besoins spécifiques du contexte. Au-delà de l’importance d’une analyse détaillée de la situation pour guider la conception et la mise en œuvre des interventions, l’évaluation continue et active de l’évolution de la situation est essentielle, tout comme la mise en place de plans de préparation aux situations d’urgence avec des directives claires sur l’évaluation rapide. Une collaboration et une coordination étroites entre les secteurs, y compris la représentation de différents secteurs dans les groupes de travail sur l’ANJE, l’ANJE-U et l’alimentation de complément, ont facilité la participation et la planification conjointe. Enfin, les initiatives localisées, telles que le projet de diversité alimentaire de Kassala, ont fourni des exemples concrets avec des résultats documentés et ont créé une dynamique pour l’adhésion et le passage à l’échelle nationale, optimisant ainsi leur impact.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Gwénola Desplats à l’adresse gwenola@ennonline.net

Pour revenir à la vue d'ensemble de ces études de cas, et trouver les trois autres, veuillez cliquer ici

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